(...) Il est amusant de constater à quel point Rane et Rambo, en tout cas dans le 1er film de la saga, sont assez similaires. Rambo est un vagabond qui revient de la guerre du Viêt-Nam et qui a connu l'opprobre de ses concitoyens. Traumatisé par les tortures subies, il est devenu inapte à un retour tranquille à la vie civile et il erre sans but dans un monde qui n'est plus pour lui. Rane lui aussi a subit quelques tortures durant son séjour dans les prisons viet-congs et il a du mal à reprendre le cours de sa vie. Il est même devenu limite maso, prenant du plaisir à endurer cette douleur car il n'a pas eu le choix, seul moyen de vraiment contrecarrer les penchants sadiques de ses geôliers. Comme le héros popularisé par Sylvester Stallone, Rane est inapte à reprendre une vie normale et ses nuits sont hantées par les réminiscences du passé. Dormir devient une douleur, une épreuve et comme Rambo, Rane est un personnage solitaire, mutique, enfermé dans ses propres peurs et seul un autre vétéran peut le comprendre. Son retour à la vie civile est perturbé également par un contexte en trompe l’œil. Après 7 ans de captivité, il rentre en héros à San Antonio et il est accueilli par la fanfare de la ville ainsi que les officiels. On lui offre une voiture neuve, de l'argent, il devient une figure locale. Mais à la maison, il retrouve un fils qui ne se souvient pas de lui et sa femme demande le divorce, ayant refait sa vie avec un autre. Plus rien ne le retient avec son ancienne vie, à part l'amour d'un fils qu'il peine à conquérir. Le fossé est trop grand entre ce qu'il a rêvé et la dure réalité. (...) Difficile d'évoquer le film sans parler de la fameuse scène de la torture de Rane à son domicile. Jusqu'à cette scène, on est face à un drame psychologique de bonne facture sur un héros traumatisé qui peine à reprendre pied avec sa vie. Mais non seulement cette scène exploite certains éléments exposés plus avant (les truands se mettent à frapper Rane mais ce dernier en a vu d'autres et y prend même un peu de plaisir, le montage y intercalant quelques plans du passé du major) mais aussi en faisant clairement basculer le film dans une autre dimension. Après tout, c'est une série B d'exploitation et il deviendra par la suite un revenge movie. Par la suite, le film développe peu à peu son personnage de vétéran prêt à tout pour se venger, Rane glissant peu à peu vers la psychopathie et s'évertuant à traquer les assassins de sa famille. Flynn fera très attention à ne jamais glorifier les actes de son héros, qui refuse l'aide des autorités pour mieux s'en charger lui-même. Le propos du film, ce n'est pas de faire le procès d'une société qui échoue à protéger ses plus honnêtes citoyens mais plutôt de peindre le portrait d'un homme qui a survécu à l'horreur des prisons viet-congs et qui en affronte une autre de retour au pays. La charge de Schrader était sans doute plus violente envers les institutions mais ça reste un film qui questionne notre humanité, qui parle de la difficulté à retrouver une vie normale après la guerre, l'absence des autorités dans la prise en charge de ces vétérans se faisant criante. Les scènes d'action sont filmées avec beaucoup de savoir-faire, montées sur un rythme assez nerveux et ne lésinant pas sur la violence graphique. Le tout se suit avec assez de plaisir, Flynn ne tombant pas dans le piège de la lourdeur explicative, les regards entre ses personnages valant bien des longs discours, la simplicité de son découpage lui permettant également de garder une certaine fluidité. Il n'a pas besoin de nous rappeler sans arrêt qui est qui, qui fait quoi, un plan suffit et il installe ses situations également avec une grande économie d'effets. Une mise en scène sèche, brutale et efficace. La critique complète ici