L'homme qui tua Don Quichotte n'est évidemment pas le premier film inachevé de l'histoire du cinéma, mais la présence de témoins pour filmer le désastre qui a accompagné ses cinq uniques journées de tournage confère à Lost in la mancha un statut particulier. Abordant de manière inédite la dure réalité de la réalisation d' un film, cet "un-making of" ( ou "non-making of" selon l'expression même des auteurs) est ainsi un documentaire réellement exceptionnel qui a par ailleurs bénéficié pour sa diffusion de l'accord de tous les participants du film, alors même que la plupart n'étaient pas forcément filmés sous leur meilleur jour, les crises de nerf et prises de bec ayant évidemment été légion.
Jean Rochefort grimaçant de douleur en montant à cheval, un assistant courant après les caisses contenant la caméra, emportées par un torrent, ou bien encore le producteur René Cleitman annonçant prématurément à l'équipe la fin du tournage, telles sont les images de Lost in la mancha, making of révélant par le menu comment un film particulièrement attendu a pâti d'une succession de malchances invraisemblables pour finalement s'autodétruire avant même d'avoir pu exister.
Keith Fulton et Louis Pepe n'en sont pas à leur première collaboration avec Terry Gilliam puisqu'ils ont déjà produit Hamster Factor and Other Tales of Twelves Monkeys, un documentaire en forme de chronique en coulisse sur l'étrange mariage de l'art et du commerce dans le cinéma Hollywoodien, autour de l'élaboration du précédent film de Gilliam, L'Armée des 12 singes.
Pour accompagner le tournage du nouveau film de Terry Gilliam, les réalisateurs ont choisi de traiter de sujets inédits, comme par exemple la tension des réunions organisées pour débloquer le budget du film. Des images qui à la manière du Huit et demi de Federico Fellini montrent une cacophonie sans nom dans les bureaux de production, des séances de répétitions réduites au strict minimum sans aucun acteur pour se présenter, et au milieu de ce tumulte, le réalisateur malgré tout confiant et résolument optimiste, passant en revue les armures et les pantins gigantesques.
Après l'annonce de la fin du tournage de L'Homme qui tua Don Quichotte, les réalisateurs Keith Fulton et Louis Pepe ont passé un an en post-production avec dans leurs malles plus de 80 heures de rushs. Un montage en forme d'"autopsie" selon les auteurs, mais qui, de l'aveu même de Terry Gilliam a permis à son film d'exister. "Grâce à eux, précise le cinéaste, il existe au moins une trace du tournage et des images qui pourraient encourager des investisseurs à se manifester, (...) grâce à Keith et louis, Don Quichotte n'est pas tout à fait mort".
Confrontés au problème de qualifier un film qui ne verra peut-être jamais le jour, les réalisateurs ont décidé d'intégrer au documentaire les story-boards du film de Terry Gilliam, d'organiser des lectures de scénario et d'insérer également les quelques scènes filmées à l'occasion des cinq journées qu'ont finalement duré le tournage. Ils ont par ailleurs conçu une animation originale pour raconter la fable de Miguel de Cervantes et retracer la carrière de Terry Gilliam.
L'une des principales difficultés pour Terry Gilliam a été de jongler dès le départ avec le planning extrêmement serré des principaux acteurs, tous liés par d'autres engagements après le tournage de Don Quichotte . Le documentaire fait ainsi se succéder dans leurs propres rôles Johnny Depp, particulièrement motivé par le projet de Gilliam qu'il retrouve cinq ans après Las Vegas Parano, Jean Rochefort crispé de douleur sur son cheval et rapatrié à Paris pour une double hernie discale et Vanessa Paradis qui apparaît fugitivement pour de rapides essais lumières.