Un titre, deux noms : "Starsky et Hutch". Pour les spectateurs, il y a aussi deux écoles. Les plus anciens connaissent la série éponyme, et la plupart d’entre eux verront leurs souvenirs un brin nostalgiques réveillés rien qu’à l’évocation du titre. Pour les autres, c’est la découverte d’une comédie policière selon le concept du buddy movie (genre pour lequel un duo est formé avec deux personnages que tout oppose), un concept définitivement popularisé sur grand écran par "L’arme fatale". L’un est flic, l’autre aussi. Sauf qu’ils n’ont rien en commun. Et ils ne travaillent pas dans la même équipe. En ce qui concerne la deuxième catégorie des spectateurs, "Starsky et Hutch" se révèlera comme une bonne petite comédie de seconde zone qui ne manque pas de rappeler le ton déjanté de "Very bad trip", en plus édulcoré. Donc oui, ceux qui ne connaissent pas la série originelle peuvent trouver leur compte parmi les situations improbables et pour certaines d’entre elles cocasses. Il faut dire que la paire Stiller/Wilson s’en donne à cœur joie. Mais pour ceux qui, comme moi, connaissent la série culte des seventies, ils seront pour la plupart grandement déçus. Bien du monde s’est précipité en salles, ces dernières voyant réunis les fans de "Very bad trip" et… les fans de la série. Le succès n’a été qu’un feu de paille, la fréquentation ayant perdu 250 000 entrées dès la deuxième semaine par rapport à la première. Pas grand monde ne s’y est trompé : le spectateur a bien senti chez le réalisateur Todd Phillips une certaine volonté de poursuivre dans une sorte de continuité. Ça se comprend. Le succès est grisant. Et quand la réussite est là, il n’y a pas de grandes raisons de changer la recette du tout au tout. Sauf qu’elle ne s’applique pas à toutes les sauces. Et c’est le cas ici. Le travail de reconstitution est pourtant là : la célèbre Gran Torino rouge à bande blanche est là, le look des deux rôles-titres aussi, ainsi que les figures emblématiques de la série telles que Huggy les bons tuyaux ou le capitaine Dobey. Mais au final on a quoi ? Un scénario pas bien épais, et une construction de l’histoire plus ou moins bâclée avec un certain nombre de déductions un peu tombées du ciel. Pire, si le duo d’antan formé par Paul Michael Glaser et David Soul est devenu inoubliable, c’est parce que les deux acteurs avaient réussis à rendre leurs personnages résolument attachants au prix d'une complicité sans faille. Leur psychologie avait été bien développée, rendant tout à fait crédible leur grande amitié, qu'aucune épreuve ne parviendra à ruiner. Dans le film de Todd Phillips, le développement n’a pas été le souci majeur, et on a même du mal à comprendre comment ils peuvent aussi bien s’entendre. Coincés dans une sorte de mime, Ben Stiller et Owen Wilson rendent une copie assez fidèle à la série originale, le sérieux en moins. Au fond, la seule chose qui les unit de façon solide est l’aboutissement de l’enquête. Oui, quoiqu’on en dise, le scénario est plutôt maigre, sans compter que le spectateur pourra même avoir l’impression d’avoir été invité sans être prévenu à une soirée à thème 70’s costumée. Eh bien oui : l’image est trop classe, trop parfaite pour le replonger efficacement dans cette époque faste. Un grain accompagné d’un léger ternissage de l’image auraient été les bienvenus, bien que j’admette que cette décennie était marquée par des couleurs vives, pour ne pas dire flashys. Les amateurs de technique me comprendront. A cela on rajoute quelques références cinématographiques inutiles, comme "Easy rider", ou encore plus ou moins "La fièvre du samedi soir". Des références inutiles parce qu’elles apportent du ridicule à la situation, tout comme celle qu’amène Carmen Electra, femme devant laquelle nos deux détectives vont buter sur leur recherche de la vérité toute nue. Vince Vaughn campe un méchant totalement cliché, sans être vraiment inquiétant, ce qui est un comble pour un important trafiquant de drogue. Pire, on ne sent même pas une quelconque influence quelle qu’elle soit, mais parvient à choquer de son détachement (ou indifférence) quand il promet de racheter un poney. Quant à Juliette Lewis, que je croyais disparue des grands écrans tant elle mène une carrière discrète, elle tombe elle aussi dans le cliché de la cruche qui n’a pas un brin de jugeotte. Franchement, je la trouvais nettement plus convaincante dans la naïveté aux côtés de Robert De Niro dans "Les nerfs à vif" de Martin Scorsese. Dans la peau de Huggy les bons tuyaux, Snoop Dog est plutôt convaincant, mais manque d'un chouia d’excentricité par rapport à l’original, non pas dans les fringues mais dans le comportement. D’accord la démarche est assez fière et crâneuse, mais il manque le petit supplément d’âme qui faisait de Huggy un personnage haut en couleurs. Et où est son bar mythique ? La réalisation est dynamique, bien rythmée, mais souffre d’un manque de souffle épique pour que le spectateur prenne un vrai plaisir à suivre les aventures des deux détectives. Et je passe sur les erreurs scénaristiques, comme ce micro caché sur une poitrine, penché du côté de l’épaule grâce à des sparadraps dont un flirte avec la chaîne en or, alors qu’après, on voit distinctement le micro penché de l’autre côté. Bon on dira qu’entre les deux plans, les protagonistes se seront aperçus que l’installation du micro n’allait pas du tout. En somme, je vous recommande vivement de découvrir la série éponyme, bien meilleure à tous les niveaux. Les deux acteurs vedettes ont eu beau se démener comme des beaux diables, ils n’arrivent pas à la cheville de Paul Michael Glaser et David Soul. Et même si ces deux derniers font une courte et néanmoins plaisante apparition qui ravira le spectateur nostalgique, c’est à se poser des questions sur le bien-fondé de la confrontation entre Starsky et Hutch et… Starsky et Hutch. En résumé, "Starsky et Hutch" millésime 2004 est décevant et fatalement dispensable.