Après un sympathique premier film nous introduisant l’univers créé par J.K. Rowling et un deuxième volet en demi-teinte, Chris Columbus quitte le navire qu’il a lancé ; et c’est à Alfonso Cuaron qu’incombe la difficile tâche de lui succéder…Nous retrouvons donc pour ce troisième épisode Harry, Hermione et Ron qui sortent enfin de l’enfance et entrent tranquillement dans l’adolescence. La transition s’effectue en douceur, en parallèle de la nouvelle menace : un dangereux sorcier du nom de Sirius Black, adorateur de Voldemort qui s’est échappé de la fameuse prison d’Azkaban et qui serait en quête de retrouver Harry pour le tuer. À l’intérieur des chambrées, on s’amuse encore à
gober des bonbons qui vous font pousser des cris d’animaux
alors que, dehors, la menace rôde :
les détraqueurs, créatures terrifiantes à l’apparence de spectres
venus des plus profonds abîmes. Qui sont en charge de mettre la main sur Black. En outre, le réalisateur s'attarde plus précisément sur l'entrée dans la puberté d’Harry qui commence à présenter tous les symptômes de la crise d'adolescence : orphelin et hébergé par une famille qui le rabaisse lui et ses parents morts, notre petit sorcier nourri une grande colère intérieure qui le tourmente, le poussant sans cesse à rechercher une quelconque une figure paternelle (Dumbledore, Lupin, Black). Révolte, susceptibilité, fugue, insubordination, décisions non réfléchies, mise en danger de soi-même : Harry baigne bien dans ce qu’on peut sans hésiter nommer « l'âge ingrat ». Cuaron nous propose donc un film d'aventures où se croisent les genres, à mi-chemin entre la comédie de mœurs adolescentes et le film d'horreur. Car oui, si le second film tombait déjà dans des noirceurs peu attirantes, ce nouvel épisode fait plus que de flirter avec le film d'épouvante : Cuaron cerne à la perfection l'horreur ambiante avec des contrastes très appuyés, tout le film baigne dans une atmosphère sombre, pesante et malsaine, on ne peut que ressentir une catastrophe imminente. Le mal rôde, le traditionnel match de quidditch se joue sous la pluie et même les moments heureux sont entachés par un ciel sombre. La peur règne, symbolisée par la menace du prisonnier échappé et la présence constante des
détraqueurs
dont la simple vue suffit à vous glacer le sang ! Et cette peur va tellement se resserrer autour de nos héros que ces derniers vont en être totalement imprégnés : peur de grandir, peur de l’avenir, peur de son destin, peur de la souffrance, peur de la mort…Non, voilà vraiment ce qui manquait à la saga : un réalisateur qui ne se contente pas de respecter le matériau de base (désolé Mister Columbus : vous n’êtes pas exempt de talent, mais on ressentait une certaine retenue dans vos films !) mais qui insuffle une certaine personnalité au métrage….et d’ailleurs, on la sent bien la patte de Cuaron dans la mise en scène, nous gratifiant de moments purement somptueux (
le cours de Lupin où la caméra commence un travelling avant en traversant un miroir puis parcourt la salle pour finalement retourner dans le miroir, les superbes transitions entre les différentes saisons de l’année, la virevoltante escapade en hippogriffe, le montage quasi parfait de toute la séquence du retourneur de temps
) ; et ce dernier n’hésite même pas à en rajouter avec humour (avez-vous remarqué à un moment donné que notre cher Dumbledore fredonne une chanson typiquement mexicaine ?). Soyons franc, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban nous propose tout simplement des moments parmi les plus appréciables et cultes de la saga :
la tante gonflante et « gonflée », le Magicobus et sa tête réduite, la salle de Lupin qui est un véritable petit cabinet de curiosités, l’Epouvantard, le Patronus…
Les superbes effets spéciaux (
les tableaux vivants, l'hippogriffe, le sort Patronus, les différents métamorphoses animalières…
) et la musique remarquable de John Williams contribuent aussi grandement à la crédibilité de ce nouveau film au ton si dark. Côté acteurs, cette fois-ci, nous y sommes : les petits jeunots ont enfin rattrapé leurs aînés en nous proposant leur meilleure prestation depuis le début de la saga. Le trio Radcliffe/Grint/Watson a gagné en assurance et ça se voit ! Parmi les nouveaux, on notera la justesse de David Thewlis et Gary Oldman ainsi que la loufoquerie parfaitement assumée d’Emma Thompson. Aussi un grand bravo pour Michael Gambon qui a la difficile tâche de succéder dans le rôle de Dumbledore à Richard Harris qui est malheureusement décédé…..à part ça, Alan Rickman est toujours aussi génial !! Pour son arrivée dans la saga Harry Potter, Alfonso Cuaron a su superbement se distinguer de son prédécesseur : avec un tel auteur à la barre, la saga se voit offrir sa meilleure adaptation à ce jour. Tout y est tout simplement plus réussi qu'avant, de la mise en scène au scénario, en passant par les acteurs et les effets spéciaux. Sans faire de jeu de mots, Cuaron est un sacré bon sorcier ! Il n’y a plus qu’à espérer que le prochain volet de la saga soit de ce même acabit.