Après la trilogie du Seigneur des anneaux, Peter Jackson décide s’attaquer à un monstre (c’est la cas de le dire) du cinéma : King Kong ! Le cinéaste offre une nouvelle version de l’histoire tout en rendant un vibrant hommage au film de 1933.
En effet, les cartons d’ouverture reprennent le graphisme du générique du King Kong original. De même, dans les premières séquences, Denham cite de nombreuses actrices des années 30 dont Fay Wray qui est en train de tourner un film pour la RKO et Merian C. Cooper (qui à l’évidence, quand on est cinéphile, est… King Kong). De même, Jackson place dans le décor une affiche de Chang de Merian C. Cooper et d’Ernest B. Schoedsack, les réalisateurs de King Kong. Enfin, la chorégraphie des faux indigènes du spectacle de Broadway rappelle très fortement celle de la tribu lors des offrandes à Kong dans le film d’origine.
Ainsi, même si Peter Jackson fait parfois référence à des films sans rapport avec son modèle
(la séquence de l’accident du bateau évoque le Titanic de James Cameron, le Singe-rat de Sumatra issu du Braindead de … Peter Jackson apparait, le roman Au cœur des ténèbres adapté au cinéma par Coppola avec Apocalypse now est évoqué à plusieurs reprises ou encore la séquence de Kong et Ann dans la neige qui possède des échos d’Edward aux mains d’argent, une autre adaptation de La Belle et la Bête)
, le cinéaste rappelle à de multiples reprises (jusqu’au carton de remerciement dans le générique de fin) qu’il vénère le film de Shoedsack et Cooper.
Malgré tout, il se permet d’apporter quelques modifications au récit d’origine. Ainsi, certains nouveaux personnages font leurs apparitions comme Jimmy, le jeune mousse. Autre nouveau personnage, Bruce Baxter, l’acteur qui joue dans le film de Denham, devient ici un personnage assez important puisqu’il est une caricature de l’hypocrisie hollywoodienne. De même, Jack Driscoll change de profession : le second de l’équipage devient ici le scénariste du film que tourne Denham, ce qui permet de justifier le rapprochement avec Ann qui était déjà une de ses fans avant de le connaitre personnellement. La personnalité de cette dernière a d’ailleurs considérablement évolué : elle n’est plus la pauvre victime du premier film mais une femme forte
qui essaie de prendre les devants, capable de tenir tête à King Kong et arrivant même une fois à lui échapper
(ce qui montre parfaitement l’évolution du regard de la société américaine sur la gente féminine entre 1933 et 2005).
De même, elle se prend d’affection pour Kong et cherche à le sauver (comme d’ailleurs dans le remake que John Guillermin réalisa en 1976) et n’est donc plus qu’une simple victime épeurée.
Ce développement des personnalités des protagonistes (Denham est notamment beaucoup plus complexe que dans le premier film) est grande partie dû à la durée du film puisque l’heure et demi du film d’origine passe ici à plus de 3 heures (allant même jusqu’à 3H20 pour la version longue). Chacune des 3 parties du film
(tout ce qui précède l’apparition de Kong, le périple pour retrouver Ann à travers la forêt et la séquence new-yorkaise)
voient donc globalement leurs durées doublées (en gros, on passe d’une demi-heure à une heure pour chaque partie). Cela permet également à Jackson d’introduire une description de la Grande Dépression des années 30 (chose inutile dans le premier vu que le spectateur la vivait au quotidien) mais a aussi pour effet d’étirer un peu trop l’exposition, agaçant ainsi le spectateur venu voir essentiellement la gigantesque créature simiesque : on est un peu dans la situation que l’on trouve dans La Vie d’Adèle : Chapitre 1 & 2 où le premier tiers est également trop développé par rapport à ce qui constitue réellement le cœur du film. Ce trop long temps accordé au début est donc le principal reproche que l’on peut faire au film
(auquel s’ajoutent de petits détails comme l’étrange danse qu’Ann fait pour calmer Kong qui sort d’on ne sait où ou l’espèce de clip qui introduit le film qui est certes réussi mais qui semble en décalage avec le reste de l’œuvre)
car pour le reste le film est magnifique.
En effet, grâce à la plus grande attention portée sur leur développement, les personnages sont beaucoup plus crédibles que dans le film d’origine et les stéréotypes des années 30 concernant les indigènes, beaucoup plus réalistes eux aussi, ont disparu. De même, l’évolution des effets spéciaux fait que les monstres (et en particulier Kong) sont beaucoup plus crédibles de nos jours (même si l’animation image par image possédait un charme poétique non reproduisible par les effets numériques). L’évolution de la technologie et un budget beaucoup plus conséquent permettent aussi au cinéaste d’offrir des séquences d’aventures extrêmement impressionnantes (que ce soit pour la version cinéma ou la version longue qui en contient plus) et de laisser libre court à des mouvements de caméra grandioses (chose qui était déjà la marque de fabrique du Seigneur des anneaux).
Contrairement au remake de 1976 (très inférieur au film de 1933), le King Kong de Peter Jackson est donc un film grandiose qui n’a pas à rougir face à son modèle mais dont l’ampleur offre une trop longue exposition l’empêchant d’atteindre le statut de chef-d’œuvre (sans en passer très loin).