Au moment de choisir le regarder, j’ai vu 3h je me suis dit ah ouais quand même, je ne sais pas si je vais tenir le coup, au final je n’ai tellement pas senti le temps passer que j’ai même regretté que le film ne soit pas encore plus long. À vrai dire pas tant que ça, certes ça ne m’aurait pas dérangé, mais c’est surtout que certaines scènes méritaient d’être rallongées plus que d’autres. On a devant nous une interprétation magistrale du premier film qui m’avait fait pleurer d’effroi quand j’étais gamin, LE « King Kong » des années 30. Un remake qui lui rend hommage d‘une fort belle manière et lui fait véritablement honneur, une oeuvre artistique qui aurait été totalement aboutie si ça ne tenait pas à certains détails, plusieurs en fait. C’est tellement dommage, Peter Jackson a pourtant tout fait dans ce film, des plans à couper le souffle, une photographie exceptionnelle, aidée par d’excellents effets spéciaux (en 2005 on a vu pire), une bande originale bien sélectionnée et bien dosée
(la musique au début, le silence lors du combat contre les T-Rex font mouche et le tam-tam lorsque Kong s’échappe du théâtre c’est très bien trouvé)
, une action bien rythmée au suspense plutôt palpitant, et enfin des acteurs qui font le boulot, certains plus que d’autres. Une mention spéciale à Naomi Watts que je n’avais jamais trouvé vraiment belle avant de la redécouvrir dans ce film, et qui a su parfaitement jouer son rôle, pas si évident que ça, chapeau l’artiste ! Notre célèbre réalisateur a donc vraiment réussi son coup sur tous ces points, néanmoins il aura fait preuve également d’énormes insuffisances. Tout d’abord les exagérations qui nuisent à la crédibilité de certaines scènes
: dans les grandes lignes l’arrivée de Carl devant la maison close coïncidant pile poil avec les quelques secondes de perplexité de Dwan en descendant du taxi, le fait que le navire tombe sur l’île juste au moment même où le capitaine avait décidé de faire demi-tour, l’accident du navire et sa réparation, la course synchronisée en mode slalom au milieu des pieds de la dizaine de Diplodocus qui finit sans aucune séquelle pour trop de personnes, puis dans la foulée Jimmy qui réussit à courir au ras de bord de la falaise en train de sombrer, enfin ce même Jimmy inexpérimenté qui tire à la mitrailleuse les yeux fermés et parvient à tuer les insectes géants autour de Jack sans qu’une seule balle ne l’atteigne
, c’est le genre d’exubérance bien chère à nos amis américains, dont aurait bien pu -du- se passer le réalisateur, ça n’aurait rendu son film que plus réaliste et de meilleure qualité. Viennent ensuite quelques incohérences non négligeables
: Dawn obligée de voler pour manger mais quand on lui propose un rôle le décline en se levant de table car elle préfère jouer la comédie, Kong qui d’un coté récupère très rapidement des nombreuses morsures de T-Rex (leurs mâchoires à mon avis doivent être assez surpuissantes quand même) mais d’un autre côté est très handicapé par un coup de harpon, les indigènes qui ne refont plus aucune apparition après leur fantastique cérémonie d’accueil, Carl qui a flairé je ne sais comment que Dwan était toujours en vie et Jack qui réussit à retrouver l’endroit où dormait Kong sans aucun indice
. Mais ce ne sont pas là les principaux défauts du film. Prenons ce personnage de Carl, où il y a pas mal de gâchis, il n’est pas assez travaillé à mon goût. Celui-ci représente l’avidité dans son état le plus sournois, la recherche de la gloire et l’appât du gain à tout prix, sauf que là non seulement tout le monde le suit avec bien trop de facilité (je pense au capitaine par exemple pour qui au passage c’est également valable), mais son caractère n’est pas assez trempé, il ne dégage pas assez de ferveur
, il ne déprime pas assez par exemple de voir sa caméra fracassée, et sa motivation de capturer vivant Kong à défaut de l’avoir filmé n’est que trop peu explicitée
. Il y avait moyen d’en faire un personnage plus marquant, d’accroître son importance en donnant plus de profondeur à ses répliques et plus d’impact à ses actes, peut être même que le choix de Jack Black y est pour quelque chose, lui qui joue habituellement des rôles comiques. Venons-en enfin à la carence principale de « King Kong », qu’on peut définir comme étant la capacité à émouvoir sans parvenir à bouleverser, sans marquer le coup. Bon nombre de séquences déclenchent des émotions intéressantes, mais ça n’aboutit malheureusement jamais jusqu’au bout
, citons l’indifférence de l’équipage par rapport au sauvetage de Dwan, et leur cruauté lors de la capture du gorille, ni l’un ni l’autre ne m’aura suffisamment offusqué
. C’est là où je disais que certaines scènes méritaient d’être rallongées
je pense à celle de la danse de Dwan dans son spectacle en opposition avec Kong enchaîné, mais le plus décevant par dessus tout reste l’ultime moment où les deux se retrouvent à Central Park, pourquoi ne pose-t-il pas Dwan pour qu’elle lui refasse ses acrobaties comme elle le faisait sur l’île pour l’amuser? Quel moment poignant ça aurait pu être, je n’attendais que ça!
La scène emblématique de Kong au sommet de l’Empire State Building est bien longue, ce n’est pas un problème car faut avouer que le plan était homérique, mais c’était à un moment donné trop répétitif, l’introduction de plus d’actions auraient évité une certaine lassitude.
Les avions de chasse lui tournent autour lui tirant dessus pendant assez longtemps sans qu’il ne se passe quelque chose de notable, quant à sa mort, elle se fait bien trop en douceur ce qui annihile l’émotion cumulée jusque là, on aurait eu une pitié plus intense de Kong si sa mort était brusque suite à un coup fatal, davantage si au même moment Dwan était en train de supplier déséspérément qu’on arrête, ou bien s’il était en train de se sacrifier pour la protéger.
L’audace qui a fait défaut à Peter Jackson sur ce final reflète le léger manque de personnalité du film dans son ensemble. On pardonnera quand même tous ces défauts tant le travail des équipes de tournage et de montage sur l’image et le son aura été remarquable. Carl disait à la fin
« C’est la beauté qui l’a tué »
, c’est ironiquement ce qui s’applique à « King Kong », à trop focaliser sur la beauté, on finit par négliger des éléments clés d’un monument du cinéma comme la subtilité, la profondeur psychologique des personnages ou la décharge émotionelle, et c’est ce qui a couté la place du Roi à ce film.