Au cœur d'une industrie cinématographique constamment en quête de réinventions spectaculaires, le "King Kong" de Peter Jackson se dresse comme un monument ambitieux de narration visuelle et d'effets spéciaux, tout en flirtant délicatement avec les limites de son propre héritage. Cette épopée, oscillant entre la grandeur visuelle et la profondeur émotionnelle, se lance dans une réinterprétation du classique de 1933, non sans s'embourber par moments dans sa propre magnificence.
Jackson, armé d'une passion indéniable pour le matériel source et d'un budget vertigineux, sculpte chaque scène avec une précision quasi obsessionnelle. Les effets spéciaux, à la fois somptueux et révolutionnaires, donnent vie à Kong et à l'île du Crâne d'une manière qui pousse les limites de l'imagination, tandis que la reconstitution de New York des années 30 est rien de moins qu'une prouesse.
Cependant, là où le film excelle dans sa majesté visuelle, il trébuche dans son rythme. La durée prolongée du film, bien que permettant une exploration minutieuse des émotions et des thèmes, tend par moments vers l'excès, diluant l'impact de moments clés et testant la patience de son public. Cette ambition démesurée, bien que louable, contribue à une expérience parfois inégale.
Les performances sont, pour la plupart, captivantes, avec Naomi Watts offrant une Ann Darrow pleine de nuance et de force, et Andy Serkis, dans un rôle double de Kong et de Lumpy, démontrant une fois de plus son incomparable talent pour la capture de mouvement. Jack Black, en Carl Denham, navigue avec brio entre charisme et folie, bien que son personnage frôle parfois la caricature.
La dynamique entre Ann et Kong est le cœur battant du film, une représentation émouvante et complexe qui dépasse de loin le cliché de la "belle et la bête". Cette relation, cœur du récit, est traitée avec une sensibilité qui force le respect, invitant à la réflexion sur la nature de la captivité et de la liberté, de l'amour et de la perte.
En somme, le "King Kong" de Jackson est une œuvre de contradictions : grandiose et intime, innovant et indulgent. Il est une lettre d'amour cinématographique au King Kong original, tout en se forgeant sa propre identité. Un film qui, malgré ses défauts, ne manque pas de captiver, d'émerveiller et, finalement, de toucher. Dans ce tissage de l'ancien et du nouveau, de la technologie de pointe et de la narration classique, réside une aventure cinématographique qui, bien qu'imparfaite, est indéniablement mémorable.