Testament est un délice pour les analystes, et je ne m'étonne pas de découvrir que c'est un film originellement prévu pour la télévision qui a trouvé son chemin dans le cinéma grâce à sa qualité inattendue. Mais en même temps, quelle qualité ? Psychologiquement lacunaire, cinématographiquement pas très beau, Testament donne une vision fade d'une famille américaine moyenne. Oui, sauf que.
Sauf que déjà, c'est une énorme surprise quand on découvre qu'il s'agit pratiquement d'un film post-apocalyptique. En effet, on ne s'attend pas à ce qu'une Amérique dévastée par les bombes atomiques soit le sujet d'un film à petit budget. Ça fait comme une dissonance que Littman, heureusement, exorcise : on s'attendait à du médiocre, au lieu de quoi on tombe sur du compliqué - et pas dans le mauvais sens du terme.
Le style de la réalisatrice est maternaliste et intimiste, un contrepied au film catastrophe qu'elle n'aurait pas pu se permettre chez de grands distributeurs, et c'est ce qui fait de sa vision presque minimaliste d'une town américaine en proie à la contamination nucléaire un monde paradoxalement si crédible. Elle me rappelle La Peste de Camus : l'insistance mise sur le personnage à la fois victime et observateur d'un monde qui s'écroule, constatant l'horreur qui l'entoure avec un mélange de froideur et de résignation croissants. Ici, ce personnage est tenu par Jane Alexander, qui, une fois seule, s'élèvera bien au-dessus du couple dangereusement sitcomesque qu'elle formait avec William Devane.
Tandis que la ville est plongée dans le silence, c'est la même pudeur télévisuelle avec laquelle est dépeinte la mort omniprésente qui en fait quelque chose de plus horrible encore, car il se trouve que froideur et résignation se marient bien avec le minimalisme, donnant à la catastrophe ce côté familier, pesamment possible, et menaçant de proximité. C'est pauvrement représenté par moments, pourtant ce qu'on voit se produire est si intolérable qu'il fait basculer l'esprit humain de l'autre côté de la folie, là où les émotions n'ont plus lieu d'être. Que ce soit mal fait ou non n'a plus d'importance, car les personnages sombrent - c'est indéniable, et c'est terrifiant.
Coup de chance ou inspiration rare, Testament aurait mérité plus de budget. Mais alors sans doute n'aurait-il pas été si térébrant, si poignant quand il appelle à se souvenir de ces millions d'Américains qui sont morts... en rêve.