Sortis à un an d'intervalle, Robocop et Invasion Los Angeles partagent ce bon goût de la subversion qui déborde et de l'outrance à foison. Tous deux s'inscrivent dans la réaction au capitalisme carnassier qui sévi dans les 80's, avec tout ce que ça implique d'excès et d'inhumanité.
La petite différence? Paul Verhoeven, réalisateur de Robocop, ne cache même pas cette société quasi-fasciste, à peine dissimulée derrière les publicités (bidonnantes) et les journaux TV, en boucle sur l'insécurité et la consommation.
Invasion Los Angeles lui décide d'y aller l'air de rien, de faire comme si tout allait bien, ne révélant ce qui suinte qu'à partir du moment où une paire de lunettes s'intercale entre les yeux et la réalité...ou la fiction. Le film entretient savoureusement cette ambigüité, pour décupler la puissance de son attaque.
En premier lieu, c'est toute l'idéologie consumériste que le film fustige. La symbolique (le monstre à visage humain, ce que révèlent ses lunettes) est évidente, mais elle fonctionne à plein tube. Mais derrière, et là on retrouve le Carpenter de The thing, c'est aussi cette mécanique inarrêtable de la paranoïa qui se met en place.
Pour peu qu'on se mette légèrement à distance de John (le personnage principal), ses actes paraissent tout aussi glaçants que ceux de ses adversaires. Lancé dans une croisade arme au poing, il y a quelque chose de perturbant dans l'action de ce "héros", semblant condamner toute possibilité de se libérer d'une violence sans y faire appel.
C'est à la fois très fort, très malin, très drôle, et sans solution. Récurrence chez John Carpenter, la solution n'est pas donnée, les problèmes sont par contre révélés. Mais jamais ostensiblement, le réalisateur étant passé maître dans l'art de l'habillage. Film d'horreur, film d'action, thriller, slasher; Carpenter pense cinéma et quel que soit le genre sur lequel il jette son dévolu, il le traite avec une maîtrise implacable.
C'est quand même curieux que des cinéastes comme Verhoeven et Carpenter n'aient jamais travaillé ensemble, tant leur association tient de l'évidence. Mais ne boudons pas notre plaisir : chacun de leur coté, ils ont réussi à en dire beaucoup et chacun à leur manière. Et ça c'est beau.