Bonjour à tous, et soyez les bienvenus sur une nouvelle chronique dans ce confinement 2.0. Peut-être vous demandez-vous de quel film je peux bien parler aujourd’hui en lisant ce titre ! Ce serait légitime, car The bride with white hair est connu sous plusieurs appellations qui peuvent varier selon la personne à qui vous vous adressez. Si vous parlez à un hongkongais, il y a fort à parier qu’il le désigne sous le titre de Bak fat moh lui zyun, pour un puriste du cinéma asiatique, ce sera Jiang-Hu, et pour un français qui, par hasard, l’aurait vu aux alentours de 1 994 sur Canal +, grâce à l’émission de Jean-Pierre DIONNET, dont j’ai oublié le titre, il vous nommera La mariée aux cheveux blancs. Bref, tout ça pour vous dire que ce petit film asiatique qui, à priori, ne se distingue pas de la production locale de l’époque a atteint un statut culte pour les cinéphiles dont je fais partie.
Comme toujours, pour les films de la fin des années 80 et du début des années 90 à Hong-Kong, tout semble très appuyé (l’histoire, les sentiments et le jeu des acteurs) si l’on y regarde pas de plus près. Commençons par le résumé que j’ai trouvé sur Allo Ciné : « Lian a été élevée par des loups. C’est aujourd’hui une sorcière redoutée. Lorsqu’elle se retrouve face à un jeune guerrier membre du clan ennemi, c’est le coup de foudre. » C’est vrai que dit comme ça, ils ne nous donnent pas très envie. La première réflexion serait « OK, encore un bon gros mélo chinois à la Roméo et Juliette, bien lourd ». Oui, il y a un peu de mélo, mais pas que… Car si l’on se réfère à la définition du mélodrame, dont « mélo » est l’abréviation, oui, certaines situations sont invraisemblables, mais justifiées par l’aspect fantastique et légendaire du récit ; mais l’intrigue ne sombre jamais dans le pathétique et les personnages n’ont rien de manichéen. Au contraire, ils se posent constamment des questions sur leurs engagements mutuels.
N’oublions pas les scènes de « baston », car le film n’en manque pas. Elles sont aussi spectaculaires que réussies, transposant dans l’aspect physique des personnages, et leurs déplacements, leurs sentiments. Mais il faut aimer les câbles et les envolées des combattants, je vous le concède. Ce film porte également en lui une charge érotique puissante, ce qui est surprenant lorsqu’on connait la représentation de la nudité dans son pays d’origine. Les deux acteurs principaux n’ont pas été choisis uniquement pour leur talent, mais aussi pour leur physique, car ils sont très beaux tous les deux et sont magnifiés par la caméra du réalisateur et la splendide photo de Peter PAU (Tigre et dragon, Ang LEE - 2000, ou The killer, John WOO – 1989).
Si certains considèrent que le cinéma de Hong-Kong n’existe plus aujourd’hui, The bride with white hair en constitue l’un des plus beaux vestiges. Certes, ce cinéma n’a plus le faste d’antan et seul Tsui HARK tente encore et toujours de contribuer à un cinéma ambitieux, avec ses tics bien connus, mais aussi une énergie que rien ne vient tarir. Vous pourrez vous rendre compte en (re)découvrant ce film à quel point il déborde de cette énergie créative, typique de ces années-là, mais aussi empreint d’une grande mélancolie qui en rend le ton général différent et les personnages moins stéréotypés. L’émotion nous étreint à plusieurs reprises, sans que cela ne soit jamais larmoyant, ni surjoué.
Mais n’oublions pas un élément important : comme la plupart des Wu Xian Pian, les films de sabre chinois, dont la production était pléthorique depuis 20 ans, le principe de chevalerie est extrêmement important. L’on peut se demander si le but de ce scénario n’était d’ailleurs pas vulgariser le concept pour l’occident. Les décors, les costumes sont splendides : le budget était là. On peut d’ailleurs s’en rendre compte car l’histoire est linéaire et cohérente. Car, en effet, un des principaux défauts des films de cette époque-là, c’est qu’ils écrivaient un scénario ambitieux et montaient la production en conséquence. Mais comme la plupart étaient produits par des indépendants, le budget se réduisait comme peau de chagrin au fur et à mesure du tournage et des scènes étaient tout simplement retirées. Ce qui provoquait des ellipses de story telling qui étaient parfois difficilement compréhensibles.
A ce sujet, je devrais écrire une chronique toute entière consacrée à Gunmen (Kirk WONG, 1988), polar crépusculaire et magnifique, malgré les écarts scénaristiques. Mais revenons à nos moutons. Si le film n’a rien à envier à ses contemporains en termes d’action, le scénario est aussi intelligent. Il s’appuie sur une légende locale et s’intéresse surtout aux personnages et à l’évolution de leurs sentiments, ainsi qu’à leurs dilemmes.
Regardez donc ce film si vous souhaitez vous initier à ce type de cinéma : il contient les pré-requis indispensables (romance, chevalerie, noblesse et cascades aussi spectaculaires qu’inventives) tout en les rendant accessibles à ceux, et ils sont nombreux, peu sensibles à la culture chinoise et ses sorcières si particulières. Malgré cela, le film fut un échec international, ce qui explique son statut culte chez les connaisseurs. Je pense que nous sommes d’ailleurs, nous les connaisseurs du cinéma hongkongais, nombreux à le qualifier de chef-d’œuvre. Ce long-métrage reste le summum de la carrière de Ronnie YU, qui, s’il a réussi par ce film à pénétrer le sérail hollywoodien, n’a jamais réitéré une œuvre d’une telle ampleur et d’une telle grâce.
Je conclurai cette chronique en vous recommandant évidemment l’édition par Spectrum, tant attendue par les fans, il y a environ 6 mois avec une copie magnifique dans un très beau coffret collector. Vous y trouverez le dispensable The bride with white hair 2, d’un confrère (David WU) qui a plus brillé lors de sa carrière de monteur (La mariée aux cheveux blancs 2, Crying freeman, Le pacte des loups, The killer, Le syndicat du crime 1, & 3, Gunmen, Une balle dans la tête, A toute épreuve, The bride with white hair, rien que ça, où TOUS les films majeurs entre 1986 et 1993 !) qu’en tant que réalisateur. Son film est une pâle copie de celui de YU. On sent très vite la précipitation dans laquelle la production a été montée pour exploiter le filon. Il est sorti la même année que son prédécesseur ! Et l’humour lourdingue ne vient pas rattraper l’ensemble. Mais il y a un deuxième Blu-ray, dédié aux bonus. Et parmi ceux-ci, il y a un film, un vrai : The white-haired witch of lunar kingdom (Jacob CHEUNG, 2014), et celui-ci vaut le détour. Il constitue une sorte de remake des deux précédents, ou peut être considéré comme un reboot de la saga. Toujours est-il que l’histoire est bien écrite et la caméra inspirée. On retrouve parfois les envolées et le romanesque de l’original. A voir, donc…
J’espère que cette chronique vous aura intéressée et, surtout, qu’elle vous aura donné envie de découvrir ce cinéma d’une grande richesse, même si je vous conseille de ne vous attacher qu’aux films de sabre et aux polars, car les comédies sont difficilement accessibles aux occidentaux. Portez-vous bien et prenez soin de vous en regardant des films qui vous font plaisir !