Comme beaucoup, je connaissais Chaplin et, plus particulièrement, son personnage de Charlot sans, pour autant, avoir vu ses films. Ce n’est que récemment que j’ai découvert la réelle étendue de son génie comique en visionnant ses chefs d’œuvre, tels que "Le Kid" ou "Le Dictateur". J’avais, cependant, déjà vu ce biopic, réalisé par Richard Attenborough, il y a bien des années et je me souviens avoir été marqué par un certain nombre de scènes et par les épreuves qu’a connu Chaplin (voir, notamment, le moment où sa mère est internée). J’ai voulu revoir ce film récemment… et force est de constater qu’il n’est pas parfait et, surtout, qu’il ne rend pas totalement justice à son inspirateur. Car Chaplin était un génie au sens le plus pur du terme, qui a su révolutionner l’art cinématographique comme personne. Dès lors, on était en droit d’espérer que la réalisation de son biopic serait empreinte d’un style à part ou d’une certaine force. La mise en scène de "Chaplin" est malheureusement beaucoup trop sage (voire académique) et se contente de suivre le parcours de son héros comme le ferait un documentaire, c’est-à-dire à grand coups d’ellipses et sans véritable parti-pris, ni aucune vision. Et ce n’est pas la structure en flash-back, via les échanges entre un Chaplin en fin de vie et son biographe fictif, qui vient faire illusion. Attenborough évoque plus qu’il ne creuse, ce qui est un peu rageant… à moins qu’il ne s’agisse d’un écueil inévitable quand on connait déjà bien la vie du personnage. Car, en toute honnêteté, ce défaut m’avait moins frappé la première fois, lorsque je découvrais ce destin hors norme. Il n’en demeure pas moins que le réalisateur passe trop vite sur des sujets intéressants, comme les secrets de fabrication de ses films ou ses relations avec ses camarades de jeu et ses rivaux. "Chaplin" s’intéresse essentiellement à la vie privée de l’artiste mais ne consacre de temps qu’à son frère Sidney (Paul Rhys, qui le tempère), son biographe (Anthony Hopkins, qui lui sert la soupe) et le boss du FBI J. Edgar Hoover (Kevin Dunn, caricatural en grand méchant, qui le déteste). Les autres personnages s’en vont et s’en viennent sans qu’on ait vraiment le temps de s’intéresser à eux, que ce soit Mack Sennett (Dan Akroyd), Mabel Normand (Marisa Tomei), Mildred Harris (Milla Jovovich) ou Paulette Goddard (Diane Lane). Seul Kevin Kline réussit à marquer les esprits en campant un flamboyant Douglas Fairbanks et Moira Kelly en dernière amour (la seule qui dure un peu à l’écran). Autre défaut, Attenborough peine à retranscrire le pouvoir comique de Chaplin et ses effets. Il a, ainsi, tendance à forcer le trait en filmant un public aux rires un peu factices et, surtout, à s’appuyer sur les vrais extraits des films de Chaplin. La comparaison fait apparaître une différence visible qui ne se fait pas en faveur du biopic. Une fois encore, je pense être bien trop exigeant avec ce film depuis que je me suis passionné pour le personnage. Car objectivement, il faut reconnaître que "Chaplin" parvient à rendre accessible au grand public actuel l’œuvre et la vie d’un artiste du début du 20e siècle (soit une époque qui parait bien lointaine aujourd’hui) et retrace, dans ses grandes lignes, sa carrière, ses déboires et ses principaux traits de caractère (aventureux, avant-gardiste, goût pour les jeunes femmes, goût pour le luxe…). Même sa tendance à réécrire sa propre histoire (et, donc, sa propre légende) est mise en avant. Et puis surtout, il y a Robert Downey Jr. qui nous offre une prestation époustouflante. Il donne corps à l’icône que représente Chaplin et a su retranscrire ses tics de jeu… au point qu’on aurait définitivement aimé le voir davantage en situation dans le costume du Vagabond ! A ce titre, la scène où il reproduit la danse des petits pains est un régal. Il porte littéralement le film sur ses épaules et ferait presque oublier le manque d’ambition de la mise en scène. C'est déjà ça !