Difficile exercice que le film collectif composé de différents courts-métrages, le risque de rendre une copie inégale et hétéroclite étant quasiment inévitable. Ce "Paris Je t’aime" n’échappe pas à la règle puisque, sous couvert d’une déclaration d’amour à la Ville Lumière, arrondissement par arrondissement, on découvre (ou redécouvre) des metteurs en scène au talent plus ou moins affirmé offrant leur vision de la capitale française en respectant un cahier des charges commun… avec des bonheurs divers et surtout avec un cloisonnement dommageable. Impossible dès lors de ne pas faire une critique séparée de chacun des courts-métrages. On commencera par les courts réussis, avec en tête "Les Tuileries" des Frères Coen qui ont su soigner l’image et le rythme et surtout qui retrouvent l’amusant Steve Buscemi en touriste américain maltraité. "La Madeleine" (avec Elijah Wood et Olga Kurylenko) étonne par son ton résolument gothique et sa touche de fantastique qui s’adapte finalement très bien à Paris. "Bastille" ose le pari du tragi-comique (un homme va annoncer à sa femme qu’il la quitte mais cette dernière lui annonce une grave maladie) avec une pertinence inespérée. Malgré un traitement un peu manichéen, "Place des Fêtes" (avec la magnifique Aïssa Maïga) bouleverse par son final injuste. Plus léger, "Le Père Lachaise" (de Wes Craven) est une rafraîchissante bouffée d’oxygène… dans un cimetière. Souvent cité en tête de liste, "Faubourg St Denis" s’avère plutôt original avec un traitement osé (alternance entre rythme lancinant et montage haché), un final plutôt malin et une superbe Natalie Portman.), "Quartier Latin" (signé Fred Aubertin et Gérard Depardieu qui apparaît) est l’occasion d’un superbe échange entre Gena Rowlands et Ben Gazzara. Enfin, Tour Eiffel et son histoire de mime remporte la palme du moment le plus poétique. En second lieu, on retrouve les courts plus imparfaits, à l’image de "Pigalle" qui, malgré un quartier emblématique et une histoire amusante, perturbe avec son couple mal assorti (Fanny Ardant et Bob Hoskins). "Les quais de Seine" (avec la débutante Leila Bekthi) aborde un sujet glissant traité avec trop de naïveté mais ponctué par un final attendrissant. "Loin du 16e" bénéficie d’un scénario au final plutôt inattendu mais s’avère assez "orienté" dans sa réflexion. "Montmartre", qui ouvre le film, est assez symptomatique des films d’auteurs français avec une réflexion assez nombriliste et des personnages pas forcément très crédible mais bénéficie d’une certaine légèreté appréciable. Plus prétentieux dans leur mise en scène, "Le Parc Monceau" (avec Nick Nolte et Ludivine Sagnier) se fend d’un long plan-séquence, prétexte à l’évolution de la perception des spectateurs quant à la relation entre les 2 personnages mais au final assez anecdotique, et "Quartier des enfants rouges" amorce une relation intéressante entre une actrice (Maggie Gyllenhal) et un coursier qui ne débouche sur pas grand-chose. Enfin, nous en arrivons aux courts ratés avec "Le Marais" (de Gus Van Sant) basé quasi-exclusivement sur le monologue étrange et décalé d’un jeune gay (Gaspar Ulliel) qui m’a plutôt ennuyé. Idem pour le "14e arrondissement" et son interminable monologue en voix-off en accent américain dont l’intérêt ne m’a pas semblé évident. Quant à La Place des victoires (avec Juliette Binoche), son ton misérabiliste et son traitement onirique m’a profondément gonflé. Mais le plus mauvais court reste "Porte de Choisy", aussi caricaturale dans sa représentation de la communauté asiatique qu’incompréhensible dans son propos, le tout aggravé par la présence insupportable de Barbet Shroeder en VRP. "Paris Je t’aime" est donc un film imparfait au ton terriblement européen (certains réalisateurs étrangers s’étant visiblement trop laissé à leur culte pour la Nouvelle Vague qu’il tente maladroitement de reproduire) qui n’a pas su soigner son montage entre chacun des courts-métrages (une faute que la suite "New-York I love you", ne reproduira pas) mais d’où ressort une folle envie de visiter Paris et de tomber amoureux. …