Après avoir visionné de très nombreuses fois les adaptations de 1995 et de 2005, après avoir vu avec curiosité celle de 1979, je me suis enfin décidé à me lancer dans la version de 1940 de Pride and Prejudice. C’est une adaptation très étonnante pour quelqu’un, comme moi, encore peu habituée aux films anciens, mais j’ai passé dans l’ensemble un bon moment, et comme la version de 1979, j’espère qu’elle rejoindra un jour ma collection austenienne.
Dans cette version dirigée par Robert Z. Leonard, Greer Garson (inconnue au bataillon jusqu’à cet après-midi) incarne Lizzie et Laurence Olivier lui donne la réplique en Darcy. J’ai eu un gros bug au générique du début quand j’ai vu écrit « Aldous Huxley » au scénario. Wikipedia m’indique qu’il est censé servir de « caution littéraire », car le film s’éloigne beaucoup du roman, il est plutôt basé sur une pièce de théâtre, mais j’en reparlerai. J’ai vérifié, et c’est bien le même qui a écrit Le Meilleur des mondes.
J’ai trouvé que les deux acteurs principaux faisaient un couple et un duo d’acteurs convaincants, et certaines de leurs frictions m’ont beaucoup plu, la scène de tir à l’arc notamment, quoique très éloignée de l’esprit initial du roman. Leurs relations ne sont pas tout à fait les mêmes que celles qu'on connaît par cœur, et c'est très étrange à voir. Greer Garson est mignonne en Lizzie (quoique trop âgée pour le rôle), peut-être même plus que l’actrice qui incarne Jane, que j’ai trouvée, comme dans la version de 1995, plus bête que douce (en plus elle a une voix assez horrible). Bingley est très sympa par contre, il m’a fait rire. On les voit très peu, le film étant clairement centré sur Lizzie et Darcy. Miss Bingley a à la fois un accent très aristo et une pointe de roulement des R qui est assez étonnant ! C’est une belle peste, comme toujours. Concernant Laurence Olivier, j’ai trouvé au début du film que son jeu était sans cesse le même, je ne voyais pas de différence avec son interprétation d’Heathcliff dans Wuthering Heights, mais après une demi-heure de film, il m’a plutôt convaincue. Comme toujours, les personnages de Mr Bennet et de Mr Collins sont très bien interprétés, et Mrs Bennet est insupportable, Lydia également. Par contre, j’ai eu un mal fou à distinguer les filles Bennet, excepté Elizabeth. J’avais l’impression qu’elles se ressemblaient toutes, et avec l’absence de couleurs c’était encore pire. Le personnage d’Anne de Bourgh est très antipathique, bien plus que d’habitude, même si on la voit peu. Lady Catherine est égale à elle-même, enfin presque…
Concernant les costumes et les décors, ils servent bien de décorum, d’amplificateur pour appuyer l’action (ou le comique...) mais ne sont pas franchement fidèles, bien au contraire. D’ailleurs, tout a été tourné en studio, donc on repassera pour la beauté des demeures anglaises. Les robes donnent plus d’une fois l’impression d’avoir affaire à une nuée de dindes plutôt qu’à des jeunes filles (un minimum) distinguées et ne respectent pas du tout l'époque. Le film est en fait conçu comme une comédie romantique à l’américaine (Wikipedia m’indique par exemple que les acteurs incarnant Mr et Mrs Bennet étaient des acteurs comiques engagés comme tel par la société de production, la MGM), et quasiment toute la réflexion et la profondeur de Jane Austen passent à la trappe. J’avais plutôt le sentiment d’être devant l’adaptation d’un roman para-austenien que devant l’adaptation d’Orgueil et préjugés. Des entorses énormes sont faites au roman (la danse d’Elizabeth et Darcy n’y est même pas ! Sans compter cette fin façon Bisounours…), et ça peut franchement déranger. C’est, et de loin, l’adaptation la moins fidèle de ce roman, mais elle a le mérite d’être très divertissante une fois qu’on la prend comme telle. J’ai halluciné les premières minutes, me demandant vraiment pourquoi ce choix avait été fait, et puis j’ai accepté l’idée et ça a été. On sent très fortement l’influence du théâtre dans le jeu des acteurs (qui sur-
jouent facilement, justement) et dans la façon dont c’est tourné, même s’il y a quelques belles scènes au niveau de la réalisation (je pense notamment à l’assemblée de Meryton, au début).
En bref, ne cherchez pas à combler votre âme romantique ni à pouvoir encenser le génie de Jane Austen avec cette version, mais voyez ce film comme une comédie basée sur Orgueil et préjugés, et vous pourrez passer un moment agréable ! Pour les fans absolu(e)s qui ne peuvent supporter la moindre infidélité, passez votre chemin.