4sur5 Après Ring, petite anecdote du genre, Dark Water engendrait la consécration critique de Hideo Nakata en 2003. Il y a pourtant quelques raisons qui pourraient inciter à n'allez qu'à reculons vers Dark Water : une raison surtout, ce Ring justement, petite anecdote de genre, parfois séduisante dans la forme, foncièrement obsolète en général. Le titre est devenu un manne, suscitant un phénomène social nippon, puis une suite avant deux remakes américains, postérieurs à Dark Water.
Dark Water, pourtant, inversera les certitudes des plus sceptiques, tant le film atteste d'une approche du fantastique salvatrice, envisageant le genre avec une assurance débarrassée de toutes les scories en atténuant l'impact dont il s'est abusivement paré depuis le nivellement par le teenage-movie engendrés malgré lui par Wes Craven (Les Griffes de la Nuit, Scream). Ce que Ring ne parvenait pas vraiment à sous-tendre, Dark Water l'affirme frontalement : Nakata n'est jamais si bon que lorsqu'il s'arrête sur un drame humain et le plonge dans un cadre réaliste.
Il a gardé de son film-phare cette propension à une mise en scène précise et sobre, mais évacué toutes les lourdeurs du pitsch mystique poussif. Encore les apparitions furtives, les spectres sur vidéo, mais le geste est discret. C'est depuis ce quotidien morose et déglingué que le malaise peut se permettre d'étreindre la pellicule. Dark Water est un film dont on ne voit pas le monstre : il n'y a qu'un très beau portrait de femme, son combat pour la garde définitive de sa fille, un environnement vétuste [l'état de l'immeuble, la discipline dispensée par les enseignants de l'enfant]. C'est la fragilité d'un personnage se débattant contre l'incertitude dans laquelle elle avance contrainte qui distille une telle étrangeté. In fine, la chronique sociale et quotidienne (aucune esbroufe ''sociologique'', un propos épuré sur l'atrocité indissoluble de la condition enfantine) est un bien meilleur support du style rétro-fantastique de Nakata. Sa mise en scène douce et radicale s'y accorde avec allégresse.
La démarche formaliste, cette façon de remettre le motif horrifique aux croyances évoquent parfois le travail de Shyamalan, mais ce dernier ne sait que trop peu éveiller l'envoûtement, trop occupé à soigner le fond à des impératifs consensuels avant de leur abandonner la forme. Nakata lui se soucie moins de conformer Dark Water à son genre, il ne se soucie même pas d'esbroufe thématique. Par son minimalisme rigoureux et la dimension presque viscérale du traitement, Dark Water rappelle plutôt le Polanski première période. Du cinéma qui parvient à faire redouter les forces de l'invisible, c'est rare.