Dans la quadrilogie des Indiana Jones, cet opus est le plus décevant. Commençons par ce qui saute aux yeux : l'utilisation outrancière des effets numériques. Il faut rappeler que les trois premiers films de la saga étaient tournés sur le modèle des 'serials' des années 1930 et avec peu d'effets spéciaux (comme l'a dit un commentateur de ce site, c'était surtout du 'carton-pâte' et ces effets prenaient place vers la fin des films). Ici c'est du grand n'importe quoi : il ne suffit pas de faire des effets réalistes pour que le scénario soit crédible. On a droit aux essais atomiques de la Guerre Froide avec un Indy qui, pour protéger sa vie, se met dans un frigo et qui, une fois la porte de celui-ci ouverte, n'a pas beaucoup de bobos -sans compter que la tête n'a pas l'air non plus de lui tourner- alors que le frigo vient de survoler des dizaines de kilomètres, poussé par le souffle d'une explosion nucléaire. Ça commence bien. Si Spielberg souhaitait faire une entrée en scène spectaculaire, il n'était pas obligé de faire une telle scène.
Ensuite nous alternons entre un dévalement de cascades aussi géantes que les chutes Victoria situées au Zimbabwe et pourtant tout l'équipage, oui, je dis bien tout l'équipage, s'en sort sain et sauf. Miracle... de la technologie numérique : merci qui, Dr Jones ? On n'oubliera pas on plus la scène grotesque de la soucoupe volante qui part dans d'autres dimensions : ici on reconnaît la patte des films de SF des années 1950 dont le souvenir a influencé le tournage de cet opus. Georges Lucas déclare dans un bonus du DVD qu'en réalité il ne s'agit pas d'extraterrestres mais d'entités inter-dimensionnels : félicitations mais il n'empêche que tout le monde a compris le contraire, et croit que c'était une soucoupe d'aliens. Quant aux fourmis de feu qui dévorent des combattants soviétiques, franchement, ce n'est pas une scène d'anthologie et on y respire le numérique. Où est donc passé la magie 'carton-pâte' de la trilogie originelle ? Si la saga doit continuer ainsi puisqu'apparemment c'est le souhait implicite de la compagnie Disney qui a racheté les droits d'exploitation, alors autant arrêter le massacre. Je ne parlerai même pas de la scène ridicule où Mutt Williams, à la manière de Tarzan, utilise des lianes pour rejoindre les voitures soviétiques.
Deuxièmement le scénario en lui-même, si l'on écarte les effets numériques, n'est pas franchement intéressant : même quand on entend Indy parler à Mutt Williams, dans le bar américain, d'une civilisation disparue et de la relique du crâne de cristal (pourquoi diable la production lui a foutu ce crâne allongé ? Elle ne pouvait pas mettre un crâne normal comme celui de Mitchell-Hedges ?), même quand on entend parler du crâne de cristal donc, on n'est pas très pris au jeu. Ce crâne fait pâle figure en comparaison de l'Arche d'Alliance ou des pierres magiques de Sankara -et même du Graal même si c'était une relique moins intéressante que celles des deux premiers volets. Ils auraient pu prendre le bâton de Moïse avec lequel ce dernier aurait frappé un rocher pour faire jaillir de l'eau, ou tout simplement auraient pu reprendre, comme l'a dit un commentateur, l'histoire du jeu Fate of Atlantis ou du Tombeau de l'Empereur, histoires autrement plus intéressantes... Dans le scénario du film, on aurait également aimé avoir une autre Indy Girl que Karen Allen qui a franchement vieilli et qui ne sait faire que sourire... non, son jeu de comédienne n'est pas captivant, désolé. En plus Spielberg a lui-même déclaré, toujours dans un DVD bonus, que lui et George Lucas avaient embauché Kate Kapshaw, dans le Temple Maudit, parce qu'ils préféraient changer d'actrice principale pour chaque épisode de la série : pourquoi ne pas avoir continué pour Indy 4 ? Est-ce au nom de la mode cinématographique des 'clins d'oeil' [faits aux précédents opus] qui n'est bonne qu'à alourdir les films ? Une seule référence aux précédents opus me paraît correcte, qui est celle où la caméra filme deux ou trois secondes l'Arche d'Alliance placée dans une boîte cassée, car cela accentue la continuité historique d'Indy 4 avec les précédents opus. Quant au raté du film, c'est bien-entendu l'acteur Shia LaBeouf qui, tentant de rejouer Marlon Brando dans l’Équipée Sauvage, n'en est pas moins à dix pieds derrière lui et encore plus loin de Sean Connery : d'ailleurs, l'idée même d'avoir donné, au plan scénaristique, un enfant pour Indy est de mauvais goût : je suis un peu puriste pour des personnages de cinéma devenus mythiques (que ce soit Indiana Jones, Han Solo, James Bond) et désolé ici encore, mais je ne vois pas Indy comme père ; s'il l'avait été dès les premiers volets, mon regard aurait sans doute été différent, mais c'est comme ça. Indy devenu père de famille, sans parler du terrible jet de tomate fait à la saga en fin de film (je veux parler du mariage de Henry Jones Jr. avec Marion Ravenwood), est ridicule et j'ai l'impression désagréable, frustrante, que cette jolie saga a été sacrifiée à la précarité des modes.
J'en profite pour laisser un message de précision pour ceux qui arguent qu'Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal contredit l'épisode III par-rapport au fait que le personnage de Sean Connery meurt alors qu'il a bu au Graal : l'épisode IV ne contredit rien du tout, non. Henry Jones Senior boit bien au Graal, en effet; mais quand Indiana Jones choisit antérieurement la coupe du Christ et y boit, le moine franciscain lui déclare : "Tu as choisis judicieusement, mais le Graal ne doit pas franchir la dalle scellée : telle est la limite et le prix de l'immortalité." Donc : tel est le prix de l'immortalité. Hors, une fois Henry Jones Senior guérit, Elsa Schneider prend la coupe et l'entraîne derrière la dalle scellée en disant à Indiana Jones : "Il est à nous Indy, à toi et à moi !", ce qui a pour-conséquence, suivant la parole du moine, de rompre l'immortalité (et de déclencher le séisme par la même occasion). C'est pour cela que Henry Jones Senior est décédé et que le moine franciscain l'est aussi, sans aucun doute.
Les premières minutes sont satisfaisantes, mais par la suite le film part en quenouilles : même Indiana Jones m'y paraît fatigué. On est loin de l'aventurier charismatique et détendu de la trilogie. Pour un résultat comme celui-ci, autant que l'archéologue reste simple professeur et range son fouet. Pour tout dire, je suis sceptique de toutes façons sur les suites de films qui ont lieu plusieurs années après : ne serait-ce que parce que le style du réalisateur a évolué et que le souffle se perd -car la qualité d'une trilogie est aussi dû au fait qu'elle prend place dans un contexte particulier et que chaque épisode bénéficie du souffle et de l'effet de chaque volet précédent. C'est dommage : il faut voir si la nouvelle trilogie Star Wars réalisée par J.J. Abrams terminera ainsi, après tout peut-être que non et que l'on sera agréablement surpris, mais les suites ça rate, la plupart du temps. Dommage de voir de telles sagas, magnifiques dans leur début (Indiana Jones I, II et III et Star Wars IV, V et VI) dérivant dans un maelström sans queue ni tête étant donné que la prélogie n'a plus l'aspect poétique (Yoda parlant de la Force à Luke dans l'épisode 5, le regard d'Obi-Wan disant dans l'épisode 4 au même Luke "la Force est avec toi, à tout jamais..." ...) et chevalier (presque médiéval dans les duels au sabre-laser) de la trilogie originale, au profit d'un esprit plus 'ninja' et bourru, presque sans âme.