Adapter la célèbre bande dessinée créée par Jean Graton était un sacré défi. Un défi qui, à son annonce, avait provoqué une véritable déferlante d’impatience chez les fans de la BD et les admirateurs de Luc Besson, surtout en connaissant les progrès incessants en matière d’effets visuels. Non pas parce que Besson a réalisé ce film (c’est Louis-Pascal Couvelaire qui l’a fait), mais parce qu’il en a écrit le scénario, avec le concours de Gilles Malençon. Ce qui frappe d’entrée, c’est l’esthétique des images : très colorée, très contrastée, pas naturelle quoi… On ressent pourtant cette volonté de multiplier des images inoubliables, en témoignant de la communion avec la nature, et en embellissant la piste, les bolides, la course. Mais à trop s’attarder sur cette nouvelle forme de sensationnalisme, les longueurs se font vite sentir et le sensationnel est tué dans l’œuf. Autrement dit, trop de sensationnalisme tue le sensationnalisme. Tant dans le récit que dans sa mise en œuvre. L’esprit de l’œuvre originelle a cependant été conservé dans ses grandes lignes, à savoir le côté manichéen. Mais pourquoi modifier la psychologie des personnages qui a fait en grande partie le succès de la bande dessinée ? Pour commencer, on notera un net rapprochement de Michel Vaillant avec la nature, comme si c’était une source d’inspiration pour le célèbre pilote. Mais où les scénaristes ont-ils été chercher ça ? Ensuite le côté bout en train de Steve Warson a été édulcoré. De trop ! N’oublions pas que c’est quand même par lui que le côté fun et fantasque a été apporté dans la BD. Même sanction pour le machiavélisme de Bob Cramer, alors que c’est par ce personnage que tout le piment de la rivalité entre le clan Vaillant et le clan Leader existe. Et on pourrait en dire autant de tous les personnages importants, que ce soit les parents Vaillant, le frère Jean-Pierre, et Julie : ils sont plats. Certes il est tentant de dire que les acteurs ne sont absolument pas au rendez-vous. Peut-être que ceux qui s’en sortent le mieux sont Philippe Bas (Jean-Pierre Vaillant) et François Levantal (Bob Cramer) dont le faciès ressemble fortement au personnage d’origine. Mais dire qu’ils sont mauvais serait facile et réducteur. Je pense que le problème vient d’abord de la direction des comédiens, ensuite des libertés prises par rapport à la bande dessinée. Non mais regardez-les : ils semblent plus perdus qu’autre chose, à attendre qu’on leur dise quoi faire ! Alors évidemment, si on rajoute à ça les innommables longueurs dont j’ai parlé un peu plus haut, ça donne un tout relativement indigeste. Alors oui, pour quiconque connait les aventures du clan Vaillant, ce "Michel Vaillant" va être une énorme déception. A tel point qu’il peut succomber à cette irrésistible envie de donner un vote sanction. Ma foi, ça se comprend, puisque la tentation est bien réelle. Mais qu’en aurait-il été si ce "Michel Vaillant" avait été une œuvre purement originale ? Il faut quand même reconnaître que les prises de vue sur les courses décoiffent. Et puis on retrouve quand même un peu cette rivalité qui oppose depuis toujours les Vaillant aux Leader. Les libertés prises auraient pu passer si le rythme avait été plus pêchu. Parce que qu’est-ce que c’est lent ! Un comble pour un thème portant sur la course automobile ! Bref, le spectateur reste lamentablement coincé sur la première, et ne peut passer la seconde qu’à partir du moment où le drapeau à damier le libèrera pour dénigrer à sa guise cette adaptation, mauvaise il faut bien le reconnaître. Cependant l’humour n’a pas été oublié. Mais il n’est pas le même que dans la BD. Je vous l’ai dit, on a perdu une grande partie de l’esprit déluré de Steve Warson, ainsi qu'une grande partie de la relation fraternelle qui le lie à Michel.. L’humour reposera surtout sur des situations cocasses. Par exemple, la scène de la station. Bien sûr que ce n’est pas crédible ! Pensez donc, tous ceux qui s’intéressent au sport automobile savent très bien que le carburant ne correspond pas. Mais c’est le genre de situation tout à fait digne du monde de la bande dessinée. D’ailleurs il n’y a rien de crédible, et du fait que c’est une adaptation de l’œuvre de Jean Graton, on ne peut guère sanctionner cette non crédibilité, laquelle se poursuit avec les qualifications sur le fil des Vaillante aux 24h du Mans ou sur le fait que n’importe qui peut prendre la place de n’importe quel pilote dans n’importe quelle écurie. En somme, "Michel Vaillant" vaut surtout pour ses prises de vue en caméra embarquée, mais est-ce bien suffisant ? Moi je dis que non. Pas de quoi sortir ce long métrage des ornières de la médiocrité dans lequel il s’est plu à s’enliser. "Michel Vaillant"n'aura donc pas dépassé le cap des qualifications pour poursuivre sur la route du succès. Dommage, nous les spectateurs aurions pu avoir une saga intéressante…