Un film de SF moderne qui ne lésine pas sur les moyens, qui est plaisant et qui ne tombe dans presque aucun panneau ? Ça existe, c'est La Stratégie Ender et c'est une perle – ou presque.
Un groupe de jeunes recrues est promis à un avenir pas si lointain où ils auront pour tâche de dézinguer de l'alien, quand ils reviendront sur Terre. Rien d'original jusque là, vu qu'on est sur un croisement d'Independence Day dans l'idée (et même dans la victoire initiale) et de Starship Troopers dans la démesure. On entre dans un univers où la modernité est superbement intégrée (un joli 9/10 sur l'échelle de J.J. Abrams) et où la figure paternelle de Harrison Ford nous rafraîchit de ses fanfaronnades Star Warsesques. Et puis Asa Butterfield, déjà devenu une personne nouvelle depuis Hugo Cabret deux ans auparavant, en impose méchamment. Question casting, on n'aura pas à se plaindre de manière globale, même si certains acteurs – et par là, j'entends « tous », sauf les stars – sont choisis pour leur physique.
Les petites lignes du script, qui guident l'histoire, sont parfois un peu faibles. Et puis le « génie » des protagonistes est quelque chose qu'il nous semble possible d'égaler ; autant de détails qui restent abstraits, mais tandis que l'histoire fonce vers son vif du sujet, un équilibre simple et sans prises de risques se met en place. Ce qu'on va surtout apprécier dans La Stratégie Ender, c'est d'être débarrassé de l'archétype de l'impétrant timide qui va combler ses failles pour vraiment devenir lui-même ; le personnage de Butterfield est complet depuis le début, et son évolution suivra un chemin lisse et agréable. Quel meilleur moyen d'ouvrir des possibilités que de fermer les impossibilités ?
Les rapports de force qui s'établissent sont jubilatoires, les combats aussi – mais un peu moins. Ouvert d'esprit, et ayant posé les bases avec Ford et Butterfield, l'œuvre se permet une magnifique catharsis bien avant la fin, et sans nous laisser sur la nôtre. Les décors, l'immersion spatiale, la musique décente, tout nous donne envie que tout continue : l'entraînement, la guerre, les jeux – oui, car bien avant Ready Player One, La Stratégie Ender jouait la carte risquée de l'intégration des jeux vidéos dans le septième art, et c'est juste parfait ; on a l'impression d'être à la fois dans le jeu et le film. Il évite même le piège du combat final d'une façon élégante que je ne spoilerai pas.
Il est vraiment dommage que certains paradigmes soient tout de même présents : les aliens et leur esprit de ruche, c'est bof. Et puis les personnages nous manquent, parfois ; la major/psychologue très attachante, collègue de Ford, disparaît au bout d'un moment, sans un au revoir et sans nous donner la satisfaction hiérarchique d'un Star Trek. Et il en va de même pour la fin, en fait ; elle arrive, passe, et nous laisse un peu de marbre – tout du moins au regard du reste de l'œuvre, qui reste très bonne à mon avis.
La Stratégie Ender est donc à la hauteur de sa prétention, même s'il aurait nécessité un peu plus d'insistance sur des aspects pas très compliqués à gérer. Mais sa force est multisource ; casting, originalité, gros moyens ; on y trouve son compte. Par contre, une question : pourquoi fallait-il absolument que les protagonistes aient treize ans ?
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