L’Ours en peluche est l’une des nombreuses collaborations Deray-Delon, et ce film passe pour le pire si j’en crois la note moyenne des spectateurs ! Totalement incompréhensible de mon point de vue, car ce métrage, il est vrai assez différent de ce qu’a fait Delon à partir des années 80 (principalement du polar bourrin) est une belle réussite. C’est un film typiquement simenonien, dont il est adapté. Il n’y a pas spécialement d’intrigue, tout est dans la psychologie des personnages, et le métrage propose un rythme qui ne plaira pas à tout le monde. Cependant, Deray a l’intelligence de faire un film court (85 mn), de ne pas chercher à étaler la sauce outre mesure et il livre un film touchant. On retrouve bien la finesse psychologique de Simenon avec ce personnage tout à la fois héroïque, talentueux et prétentieux et froid qui prend conscience de certaines choses à l’occasion d’un imprévu. Le métrage est joliment mélancolique, triste, mais également teinté d’une poésie funèbre qu’accentuent à propos une photographie grise et terne dans ses couleurs, souvent nocturne ou nuageuse, et une bande son remarquable signée d’un compositeur italien inspiré. Il faut voir ce film avant tout comme la trajectoire du personnage principal avec lequel on reste quasi continuellement, et heureusement, Delon est vraiment à l’aise avec ce rôle taillé sur mesure pour lui. Ce qui est positif, c’est qu’il semble prendre conscience dans ce film du côté mégalo qu’il a parfois pu présenter, surtout à cette époque, et il en joue. Son personnage est presque un double de lui, sorte de monstre sacré insensible à ce qui ne le concerne pas directement, puis qui en prend conscience à travers un élément déclencheur. Il apporte vraiment du relief à son personnage, et il est bien entouré par d’excellents acteurs, et surtout beaucoup d’actrices. Leur jeu est assez intriguant, notamment celui de Laure Killing, mais aussi le doublage de Francesca Dellera. Ca ajoute au côté étrange et poétique de ce film qui semble souvent échapper au réalisme. Il y a une petite dimension mystique et symboliste qui se dégage de ce métrage, et comme je disais, si c’est parfois maladroit ou un peu niais, force est de constater que ça change agréablement de ce qu’on a pu voir dans la fin de carrière de Delon. A noter aussi la courte mais brillante prestation de Madeleine Robinson, une grand-mère hautement crédible jusqu’aux intonations de la voix.
Pour ma part, je n’ai pas grand-chose de particulier à reprocher à ce métrage, hormis des maladresses épisodiques liées, pour partie, à une histoire en soi peu cohérente. On imagine que dans ce genre de situation on convoque la police par exemple, surtout quand ça devient tangible et qu’on est innocent ! La base de l’histoire peine à tenir, mais en soi ce n’est pas l’enjeu de L’Ours en peluche qui, dès son titre, est surtout symbolique. Le film explore la trajectoire d’un personnage, ce n’est ni un thriller, ni un polar et même pas vraiment un suspense en vrai, c’est un roman psychologique qui devient un film psychologique, et il s’en dégage une touchante mélancolie. A voir en étant préparé à cette orientation particulière qui évidemment ne plaira pas à tout le monde. Je reprocherai quand même une fin pas tout à fait satisfaisante. Le climax est timide, et peut-être qu’il y avait de quoi tortiller quelque chose de plus puissant. C’est un peu retombé comme un soufflet pour moi. 4