De Ken Loach je ne connaissais que « Le vent se lève » et c’est avec plaisir que je découvrais « Kes », le premier film du réalisateur à être parvenu en France en 1970.
« Kes », c’est l’histoire d’un gamin mal aimé issu de la classe prolétaire du nord minier de l’Angleterre des années 70. Ce gamin survit tant bien que mal, pris entre deux instances alors déshumanisantes : la famille et l’école. L’histoire d’un gamin engagé malgré lui dans une lutte inéquitable contre son grand frère mineur qui le martyrise et contre un directeur d’école tyrannique, pétri d’un moralisme simpliste et inflexible qu’il dispense à coup de badine. L’histoire d’un gamin au-dessus duquel stagne une épée de Damoclès : la fosse !
A l’abord on serait tenté de qualifier « Kes » de film social, à valeur documentaire; en dépeignant le monde scolaire du milieu, Ken Loach réfléchit le parvis de la société prolétaire anglaise de l’époque.
Pourtant, si ce les films naturalistes ont la vertu d’instruire, ils ont avant tout la vertu de m’ennuyer !
Pourquoi alors « Kes » ne me lasse-t-il pas ? C’est qu’il contient une double réflexion, la première déjà mentionnée, montre d’une part les mécanismes de formatage engagés par une discipline absurde et d’autre part l’absence d’ascenseur social pour cette working class (La scène du conseiller d’orientation l’illustre bien !), la seconde réflexion quant à elle est conduite par le regard de l’enfant, Billy (« Billy Elliot » pourrait d’ailleurs bien être perçu comme une « réponse » à « Kes » !) , et fait la part belle à l’imagination montrée comme étant le terreau d’un éventuel projet émancipateur.
En effet, Billy est encore un « être des possibles », un enfant capable de rêver (Il lit les comics dans les journaux qu’il arrive à faucher.) et qui, un jour, va apprivoiser un faucon, lequel deviendra pour Billy un moyen d’évasion autant qu’un support sur lequel il pourra projeter ses désirs de liberté.
Sur ce bref mais important passage de la vie de l’enfant, Ken Loach propose un regard des plus intéressants en ce qu’il amène à considérer la violence de cette société comme étant le résultat d’une asphyxie mentale, d’une déshumanisation organisée, et, cela, il le fait sans jugement car « Kes » est loin d’être un réquisitoire !
C’est plutôt un constat objectif, doublé d’une invitation à donner un peu de considération à son entourage car le fait qu’il ne faudrait pas grand chose pour que Billy s’épanouisse est assez manifeste.
Au reste, l’ambiance est très finement travaillée, sans déployer de grands jeux techniques, en nappant le film de musiques oniriques et apaisantes, en filmant quelques plans champêtres que parcourt un Billy en vadrouille buissonnière, le décor est subtilement planté et permet au réalisateur de montrer ce qu’il a à montrer.