« Le prisonnier de Zenda » est, quelquefois, présenté comme étant emblématique de la perfection du système de production des grands studios hollywoodiens en leur âge d’or, et, en particulier, du plus prestigieux d’entre eux : la Metro Goldwyn Mayer (MGM).
De fait, ce magnifique livre d’image, à l’opposé de tout naturalisme, est une très grande réussite dans tous ses aspects.
Le réalisateur, Richard Thorpe, est le prototype du « yesman » hollywoodien, à l’imposante carrière (plus de 100 films des années 20 à la fin des années 60, dans tous les genres). Il serait vain d’y chercher une ligne directrice puisqu’il mettait en scène, depuis le début des années 30, les films que la MGM lui assignait. Si beaucoup sont parfaitement oubliables, certains sont très bons, en particulier les films de chevalerie tournés, dans les années 50, avec Robert Taylor pour vedette (« Ivanohé », « Les chevaliers de la table ronde », « Quentin Durward »).
« Le prisonnier de Zenda » appartient, lui aussi, au genre « cape et épée » et se déroule dans un royaume imaginaire (la Ruritanie) ressemblant beaucoup à l’empire austro-hongrois. De manière plus originale, il peut, aussi, pour partie, se rattacher aux films sur les couronnements/mariages royaux avec valses viennoises... je vous rassure, c’est infiniment mieux que « Sisi impératrice ».
Le scénario que n’aurait pas renié Alexandre Dumas, feuilletonesque à souhait (sosie, complots en pagaille), est l’adaptation d’un roman d’Anthony Hope, plusieurs fois porté à l’écran, notamment en 1937 par John Cromwell avec Ronald Colman. Les nombreux personnages, tous très bien écrits, présentent une belle complexité, inattendue dans ce type de divertissement. En témoigne, le personnage, pourtant secondaire, joué par la délicieuse Jane Greer (« La griffe du passé », Jacques Tourneur), trahissant celui qu’elle aime par amour.
L’interprétation est superbe. C’est le meilleur (double) rôle de Stewart Granger qui forme avec Deborah Kerr un couple glamour dont le spectateur voit la passion qui naît et croît par de simples échanges de regards (le cinéma de l’époque, pour cause de code Hays, était passé maître dans l’art d’érotiser les visages). James Mason interprète, avec une volupté non dissimulée, une crapule cynique, au charme aristocratique, dont je ne me lasse pas d’écrire le nom : Rupert de Hentzau. Le duel à l’épée final, opposant Granger et Mason, est magnifiquement chorégraphié, un des plus beau de l’histoire du cinéma,
et il se termine de manière ouverte comme dans tout bon feuilleton
. D’ailleurs, Anthony Hope a écrit une suite à son histoire...
Les acteurs sont magnifiés par un technicolor flamboyant, il ne manque pas un bouton de guêtre aux costumes ni une dorure aux superbes décors.
Ce film romanesque et plein de panache est un plaisir dont on ne se lasse pas.