Jean Yanne n’est pas un orfèvre de la subtilité et c’est tant mieux. Parfois, on a besoin de secouer le cocotier plutôt que de le frotter.
Jean Yanne est avant tout un caricaturiste qui taille sciemment à la truelle afin de déceler au mieux toute l’hypocrisie de l’être humain. Il n’y a rien de gratuit dans ses provocations.
Sont-ce vraiment des provocations ?
Il a raison - déjà - ! tout est « Chobizenesse ».
Il suffit de se rappeler des sacs de riz portés sur le dos de Bernard Kouchner en Somalie (?). Des premières images de la guerre du Golf. Et aujourd’hui, le 27 février dernier, nous avons le président Macron ravi d’avoir signé un accord avec l'émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani ; un investissement qatari de 10 milliards d’euros dans l’économie française... dont la culture !
La culture vue par des qatari, ça fait peur pour notre identité culturelle.
Est-ce une provocation de ma part ?
Evidemment, tout n’est pas parfait dans ce « Chobizenesse » signé et joué par Jean Yanne dans le rôle de Clément Mastard, mais l’ensemble tient la route. Comme pour « Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil », Jean Yanne sait de quoi il parle. Et quand il parle, même s’il exagère, je pense au théâtre dit d’avant-garde, on ne peut pas parler d’un fond de vérité, la vérité flotte en surface.
J’ai bien aimé les négociations menées par Mastard pour attirer les quatre costards gris de l’acier à investir 50 millions de francs pour sa revue ; et sa désinvolture avec laquelle il reconnaît ne pas être solvable après un échec. Echec qu’il attribue aux quatre grises mines de l’acier qui l’avaient muselé parce qu’interdit de montrer des fesses et des seins. Seulement, sa revue même avec fesses et seins manque de talent.
Alors, Jean Yanne nous dit en substance il ne suffit pas de montrer fesses et seins pour s’assurer d’un succès. Si la revue ne marche pas c’est tout simplement par manque de talent. Et le talent ça coûte cher, très cher.
Voilà pourquoi, il s’appuie sur Jean-Sébastien Bloch, un musicien torturé.
Au passage, je salue la prestation complètement barrée de Robert Hirsh en Jean-Sébastien Bloch.
J’avoue ne pas avoir cru à la sincérité de Clément Mastard envers ce Jean-Sébastien Bloch.
Au début je le croyais manipulateur pour semer la zizanie dans la troupe de son ex. Puis peu à peu, de numéro en numéro de revue plus ou moins navrant mais sympa, Clément Mastard m’a bluffé en s’employant à concrétiser toutes les demandes extravagantes de son musicien halluciné.
Jean Yanne est insaisissable, d’un côté il se moque de l’art théâtral moderne, lui préfère un art léger, populaire, un brin potache voire pornographique ; de l’autre, il est profondément touché quand il permet à l’art d’atteindre des sommets d’exigence.
Je ne soupçonnais pas Clément Mastard d’être touché, tout comme lui, j’imagine ; lui, qui tout au long du récit, pratique la désinvolture, l’ironie, la causticité.
Quel message nous envoie Jean Yanne à la fin de son film, si message il y a ?!
Je me plais à me méfier de l’acteur. Je le soupçonne de s’amuser du spectateur. Car je n’oublie pas que Jean Yanne est avant tout un doux provocateur.