Il y a tout au long du film une sorte de rédemption qui surnage et dont on croit qu'elle est le sujet du film. Mais la violence est comme un serpent qui ne peut se défaire de sa peau empoisonnée comme dans le livre. Ce qui est très fort, c'est la douceur des sentiments du père envers sa fille. Il veut la protéger mais au final oubliera lui-même de se mettre à l'écart de ses sombres pensées.
Un couple, puis la prison. Au détour d'une alliance retirée dans un geste honteux, c'est tout un cadre familial que Caétano enlève aussi vite qu'il l'a construit. La rupture en est un écho qui résonnera longtemps contre les murs de la cellule. Ce sont quelques secondes pour le spectateur, mais l'homme la ruminera pendant des années. Un raccourci qui, d'entrée de jeu, est un arrachement plus violent même que la violence concrète représentée ensuite. On assiste en quelques images à la naissance du personnage et de toutes ses raisons d'être ainsi que d'agir.
Apaisant par contraste, le reste de l'œuvre a des airs de premier film très occupé à faire des œillades aux festivals. Il était en effet d'usage, dans les années 2000, d'être m'as-tu-vu dans le registre sociofamilial afin de décoller dans des pays au septième art montant, mais qu'à cela ne tienne : c'est la faute du système et Caétano a bien compris ce qu'il avait à faire pour alimenter la machine d'un cinéma nouveau. Le système ne l'empêchera d'ailleurs pas d'inventer le "truand empathique", ici l'Ours, personnage si novateur que sa philosophie, tenant pourtant en une ligne, doit être prononcée tout haut pour commencer d'être admise : "il faut aider les gens, ce n'est pas compliqué à comprendre".
Ce qui est plus compliqué à comprendre, c'est comment l'Ours justifie ce principe alors qu'il est un criminel. Ici, le cinéaste fait que derrière chaque geste, chaque attention et chaque instant passé à caresser l'amour familial du regard, il y a des explications muettes à ce paradoxe vivant que traverse le personnage. Un peu trop, car il y aura du déchet : des fausses pistes oubliées, par exemple.
Le film n'est alors pas vraiment violent ni familial ou politique, mais il pose en un chuchotement les questions sur la réinsertion et sur le poids que fait peser un emprisonnement sur la vie d'un homme. Rien de nouveau si ce n'est qu'il questionne la légitimité d'un criminel à assumer le rôle d'un parent en s'adressant au plus profond de nos valeurs morales.
Depuis une dizaine d'années le cinéma argentin fait preuve d'une vitalité surprenante sous la houlette de réalisateurs comme Pablo Trapero ou Juan José Campanella. "L'ours rouge" a reçu en Europe un accueil favorable, sélectionné à Cannes à la quinzaine des réalisateurs puis de retour en Amérique entré directement dans la sélection officielle du festival de Sundance. L'histoire est classique du repris de justice qui de retour chez lui après avoir purgé sa peine, s'aperçoit qu'il n'y a plus sa place et finit tout doucement par replonger dans les affres du banditisme. L'originalité du film d'Adrian Caetano tient dans la volonté de ne pas trop s'appesantir sur les rapports du héros avec le milieu qui en général n'attend que le retour du héros pour le mettre à nouveau dans le bain ou au contraire le fuit comme la peste pour ne pas avoir à lui régler d'anciennes dettes. Nous sommes ici dans le deuxième cas de figure mais ce qui préoccupe Caetano ce sont les rapports d' El Oso avec sa fille et son ex compagne dont on sent très vite qu'il a une dette morale envers elles. Devant rapidement renoncer à reconquérir Natalia et sa fille, il choisit de les protéger puis de les mettre à l'abri du besoin avant de poursuivre sa destinée ailleurs. Le parcours de cet homme violent en mal de communication comme l'était le Travis Bickle de "Taxi Driver" est la grande originalité du film . Sa détermination est telle à se racheter pour être en paix avec lui-même qu'il finit par se faire à l'idée qu'un autre homme que lui s'occupera de sa famille ce qui avouons le est une démarche pour le moins rare dans ce milieu particulièrement machiste. Julio Chavez acteur de théâtre réputé dans son pays livre une performance en tout point remarquable donnant un mélange savamment dosé de brutalité et de sensibilité à ce personnage hors norme dans le monde des malfrats. Pour le reste de l'intrigue, Caetano se veut plus conventionnel en se conformant aux règles du film de gangsters émaillé de scènes de fusillades très violentes. Ce choix accentue encore davantage les paradoxes d'El Oso. Les personnages secondaires ne sont pas pour autant délaissés par Caetano qui livre un film parfaitement charpenté autour d'une intrigue certes peu originale mais servant fort bien son propos.
Excellent polar, à l'écriture ultra-carrée et à la mise en scène ample et parfois très tendue (les fusillades, dont une confrontation finale assez mémorable par sa sècheresse). Très bonne surprise que ce film méconnu.
Sous ses dehors modestes ce polar social teinté de redemption est une bonne surprise venu d'Amérique latine. Du cinéma réaliste filmé à hauteur d'homme et sans artifices mais qui sait montrer les dents quand il le faut.
Auteur du diffusé "Buenos Aires 1977", l'argentin Adrian Caetano avait réalisé quatre ans avant cet "Ours Rouge", polar noir teinté de rédemption au cours duquel un ancien taulard tente de refaire sa vie, ne serait-ce que pour l'honneur de sa fille dont il est follement amoureux et dans une moindre mesure celui de sa femme pour laquelle il ressent encore des émotions (même s'il tend à les cacher). Après une excellente séquence d'ouverture usant du montage parallèle et de la confrontation des époques l'on se plonge dans cette histoire humaine et émouvante formidablement portée par des interprètes assez convaincants. Caetano, s'il apporte un certain sang-neuf au septième art n'a pas l'énergie d'autres cinéastes sud-amércains tels qu'Inarritu, Maille et bien d'autres... Lui préfère poser sa caméra et faire preuve d'une bonne maîtrise technique tout en provoquant les sentiments sur la durée plutôt que donner d'emblée un coup de poing qui vous remue les tripes. Cela ne veut pas dire que son récit est parsemé de temps morts bien au contraire mais le rythme est plus lent : la chose est finalement assez bénéfique car parvient à se séparer de bien des conventions. Le style est marqué, efficace et mélange les genres, donnant au film noir un réalisme social. Pas mal, d'autant plus lorsque le cinéaste se permet quelques audaces et une séquence mémorable à la combinaison son-image provocatrice. On pourra à l'inverse reprocher une construction scénaristique peu originale et empreintée à "L'Impasse" de De Palma sur quelques points de schéma général ainsi qu'un personnage principal si invulnérable qu'il en devient peu crédible. Les situations ne sonnent pas toujours juste, la tension ne connaît pas de véritable essor... "L'Ours Rouge" fait partie de ces films d'art et essai regorgeant de qualités comme de défauts, qu'il faut voir pour se forger son propre avis. Les grands de demain s'y trouvent, Caetano en fait peut-être partie... A surveiller.
Remarquable film argentin. Tous les acteurs jouent de façon étonnamment naturelle ; en fait ils vivent plus qu'ils jouent leurs rôles. Contrairement aux indications ce n'est pas un film policier, sauf à la fin. C'est un film profondément humain montrant la détresse d'un père qui cherche à reprendre sa fille. À voir et à revoir !