Je ne connais pas bien Sokourov, j'avais juste vu Moloch, qui est loin d'être mon film préféré et qui avait pourtant mon adhésion dès le départ à cause de son sujet, l'a très vite perdue. J'avais un peu peur de m'emmerder comme un rat mort devant un exercice de style très vain. Et je dois avouer que ça n'a pas raté. Le souci d'un film c'est que fondamentalement l'idée de retranscrire l'histoire d'un palais, en un plan séquence passant d'une époque à une autre, c'est une très bonne idée, maintenant que la technologie permet de filmer ce genre de plan, il fallait bien que quelqu'un s'y essaie. Seulement voilà, c'est du numérique, l'image est plate, ça n'a pas l'âme d'une bonne pellicule. Alors si pour la majorité des films le numérique ne gène pas le moins du monde, ici, avec ce genre de reconstitution, je trouve ça laid, ça enlève tout relief à l'oeuvre, d'autant que le sujet est au moins tout aussi ambitieux que l'idée de départ de mise en scène. J'aurai adoré que ça aie une photographie semblable à celle de Barry Lyndon, mais là c'est juste froid et sans vie.
Et le souci c'est la réputation du film qui joue contre lui, c'est à dire, lorsqu'on dit l'arche russe, on pense directement à plan séquence d'une heure trente, même sans avoir vu le film, ça spoile en fait, j'aurai aimé ne pas m'en rendre compte, jouer le jeu en m'immergeant dans l'histoire de la sorte à ce que cette mise en scène s'efface au profit de la narration de l'histoire, qu'on ne remarque pas forcément qu'il n'y a qu'un seul plan.
Un autre souci du film c'est son sujet, c'est très ambitieux, et il ne favorise pas la création de personnages, d'intrigues, ça ne vient pas donner de la chaire à ce film qui en aurait tellement besoin. De plus la seule prouesse ici est technique et pas scénaristique, je veux dire, il aurait été plus intéressant, d'avoir un intrigue, où la caméra rattrape les personnages où ils disent quelque chose d'intéressant, passe à un autre, etc, histoire de rassembler toutes les pièces d'un puzzle, un peu comme la Corde d'Hitchcock.
Parce que là, à part se dire, ah ouais, quel beau boulot de coordination, je ne me dis pas grand chose, pour moi c'est peut-être même plus du cinéma, juste de la coordination. D'autant que la mise en scène n'est pas non plus ultra baroque ou je ne sais quoi, ça reste une caméra/vue à la première personne, qui tourne autour des acteurs, il n'y a pas des plans de metteur en scène imposant un point de vue voulant dire quelque chose, là on voit juste ce un mec qui se balade.
Après pour l'histoire, ou plutôt l'Histoire racontée, elle a du mal à s'imbriquer, se raccorder.
Pour moi on a vraiment un film qui n'est qu'une coordination de techniciens et d'acteurs, et si on s'intéresse à l'histoire de la Russie il vaut mieux voir le tombeau d'Alexandre de Marker, et si on veut du plan séquence voir La soif du mal ou la Corde (entre autres). L'absence de chaire, de personnages etc nuit totalement au film, sans parler du numérique, un mal malheureusement nécessaire pour tourner ce genre de film.