Un film particulièrement poignant, foûtrement beau. De cet original et drôlement absurde sujet de départ (la découverte par un homme du processus de canonisation de sa mère), Bellocchio réussit une oeuvre à part, émouvante et poétique. Le personnage d'Ernesto, sympathique comme tout, semble perdu dans un monde étrange auquel il a heureusement échappé et qu'il ne connaît pas, celui de l'Eglise et de la soumission. Désarmé mais résistant. Son athéisme fait figure de rebellion face à l'ordre établi, face à la convention familliale. Sergio Castellitto, héros tragique à la dégaine fatiguée de quarantenaire en crise, est fantastique. C'est avec lui que nous vibrons durant tout le film. L'amour paternel, la rage contre la famille, la remontée des souvenirs, le coup de foudre : tout est d'une intensité incroyable. Chaque scène, filmée dans un magnifique clair-obscur des plus mystérieux, semble subtilement nous parler à tous. Sorte de profession de foi athée, le film exalte la force de l'art et de l'amour face à l'obscurantisme et la superstition. En permanence, la frontière entre rêve et réalité est floue, lointaine. Cette atmosphère onirique fait du Sourire de ma mère, bien plus qu'un film de gauche anti-clérical, une réflexion sur le pouvoir du souvenir, la pression familliale, la culpabilité aussi. C'est un film mélancolique mais qui n'en oublie pas pour autant la pincée d'humour requise pour être réaliste. Une ambiance de presque-polar, puisque le questionnement est permanent : qui était vraiment la mère d'Ernesto ? Une sainte ou une femme stupide qui abreuvait ses enfants d'interdits religieux ? On ne tranchera pas, mais l'obstination de la famille d'Ernesto à se convaincre de la première solution est risible. Le Sourire de ma mère, de par l'alchimie parfaite des images, de la musique et du jeu des acteurs, est un grand film doux et envoûtant.