Le Choc est un des films les plus malaimés de Delon qui traverse une période compliquée. Pourtant, ce métrage est loin d’être si nul que certains le disent. D’ailleurs, beaucoup critiquent les polars de ces années-là, souvent réalisés par des quasi-inconnus et avec des stars qui ont du mal à se refaire la cerise (Michel Serrault est aussi de ceux-là). Pourtant, les polars de cette époque ont quelque chose de séduisant, notamment une bizarrerie quasi-surréaliste par moment, et Le Choc ne fait pas exception ! Le film accumule les bizarreries, de Delon à poil en full frontal à cette matonne au physique improbable qui cuisine des omelettes à ce personnage qui possède un guépard chez lui, il y a, parfois, au détour d’une scène, un truc bizarre, et ça fait plaisir ! Le film est techniquement assez bien fait d’ailleurs. Si la scène d’ouverture fait un peu peur, le métrage est en réalité proprement réalisé. Glenn à la photographie, c’est plutôt bon signe, et les décors des années 80 sont bien là, avec ces immeubles froids illuminés et magnifiés dans la nuit, le periph, l’ambiance grise et brumeuse du Paris de cette époque qui contraste d’ailleurs avec la partie à la campagne, également très sympa. Il y a vraiment une belle diversité de décors et ça crée des ambiances contrastées qui m’ont séduit, étant un grand adepte de polar atmosphériques. Il y a pas à dire, c’est souvent une force des polars de cette époque. A noter, d’ailleurs, une partition musicale étonnante signée Philippe Sarde, tout à la fois entêtante et légèrement décalée : encore une de ces bizarreries, mais elle est très bien.
Côté casting, le métrage est bien doté, et il faut même avouer que c’est un peu dommage que la rencontre Delon-Deneuve se fasse dans un film somme toute assez quelconque dans la filmo des deux acteurs. Deneuve ne semble pas très à l’aise, alors que Delon lui en fait des méga-caisses. Il vire un poil à la caricature, faut le dire, et le film s’enfonce dedans, notamment en lui flanquant une petite amie qui semble avoir 16 ans à l’écran alors que lui fait clairement quinqua. C’est assez risible. Maintenant, ça tient la route, en particulier dans la partie centrale, la plus émotionnelle, celle où les acteurs ont le plus à faire, et là, on sent davantage l’alchimie entre les deux stars. Au milieu de cela, Léotard nous fait un numéro d’alcoolique qui n’est peut-être pas qu’un numéro car l’acteur semble clairement au bout du rouleau, déjà. A noter, et je regrette d’ailleurs qu’il ne soit pas plus employé, un quasi caméo de Féodor Atkine qui s’avère une des scènes les plus surprenantes du film !
En fait, le vrai souci du film, c’est son scénario. En soi, il n’est pas mauvais, mais il a un côté un peu gloubi-boulguesque, tant dans le ton que l’intrigue. Il y a des aspects comiques (Delon à la ferme !), une critique sociale (le couple Deneuve-Léotard), une pseudo-romance, du polar, du thriller, le tout dans un shaker qui restitue un ensemble parfois brouillon et pas toujours très bien rythmé (faut reconnaître un ventre mou dans la partie centrale). Il y a aussi des facilités, avec Delon continuellement tenu en joue et jamais tué ! Maintenant, il y a aussi des scènes très efficaces, une violence bien présente, une radicalité de ton avec quelques morts surprises, de la nudité gratis qui crée une ambiance un peu poisseuse, et le film, par son côté hétéroclite, trouve aussi une identité personnelle qui le fait échapper aux clichés du genre et au pastiche. Clairement, le film manque de tenu scénaristique, et la raison est sûrement à trouver dans le fait qu’ils étaient quatre scénaristes, dont Delon ! Ca a du créer un gros bordel dans l’écriture, et ça se voit à l’écran. Le film se disperse, a du mal à trouver son ton, glisse violemment d’un contexte à un autre (après, il semble que le livre était aussi un peu comme ça, surtout dans sa dernière partie).
Maintenant, malgré son récit chaotique et son rythme inégal, en dépit d’un Delon un poil trop omniprésent, omnipotent et caricatural et d’une Deneuve un poil trop effacée (sans doute aggravée par son problème relationnel avec le réalisateur), le film reste bien fait, violent, plein de scènes bizarres comme je les affectionne. C’est un honnête polar série noire. 3