4sur5 Scandaleusement passé inaperçu, Les enfants de la pluie est une énième démonstration de la richesse de l'animation française. Production franco-coréenne, le film est un mariage abouti de deux pôles majeurs du genre quel seul Pixar peut envisager égaler (ou rattraper). Dans sa narration langoureuse, ses accès contemplatifs et son pendant ''initiatique'' se retrouve la touche qui fait des studios asiatiques une référence. Son réalisateur, le français Philippe Leclerc, y injecte une marque déjà identifiable que La Reine Soleil, projet moins complet, viendra pourtant confirmer. Cette french touch s'inscrit dans la plus noble tradition. Dense et ambitieux, Les enfants de la pluie ne trahit pas ses classiques, s'amarrant à des bases solides avant de mieux s'engager dans un élan moderniste. Membre charnière mais participant dans l'ombre de la mise au point du Roi et l'Oiseau en tant qu'animateur, accessoirement assistant de René Laloux [La Planète Sauvage] qui avait justement souhaité porter à l'écran le projet initial du film en question [adaptation, au départ, du roman A l'image du dragon (1982)], Leclerc, par son CV, écarte tout doute à son sujet même chez les puristes les plus pointilleux. Sa première réalisation s'installe modestement dans la lignée des chefs-d'oeuvres ultimes mentionnés. A l'instar de ces derniers mais dans un style propre, Les enfants de la pluie emploie avec talent et ferveur toute une vision du domaine de l'animé, tendant à accorder à son récit d'un maturité exemplaire une couche maîtrisée de fausse naïveté [abondance de symboles forts : les deux mondes se distinguent par des couleurs ocres, orangées pour l'un, des tons bleu pour l'autre]. Dans un espace ou adultes comme enfants se sentiront maintenus dans un état d'éveil constant s'immiscent astucieusement des thèmes édifiants projetés dans un gant de velours ; passage à l'âge adolescent, choc des cultures (les enfants du titre s'abordent malgré leurs différences pour se trouver des points communs), ''guerre sainte'', pouvoir autoritaire, conditionnement, obscurantisme, fanatisme. A cela s'ajoute une réussite formelle, éblouissante, indéniable. Créative sans se complaire dans la profusion écrasante de gadgets trop abondants qui confineraient au vain exercice de style [façon Disney du 21e siècle], l'animation est ici le prétexte à développer toutes les richesses d'un univers exotique dans la forme et parabolique dans le fond. Les créatures, les costumes, l'architecture des mondes explorés émerveillent [seule la musique fait quelque peu défaut par son manque de singularité]. En parfaite cohérence avec son mouvement assez esthétisant, le film s'attarde moins sur les habitudes que sur les hauts faits bousculant l'ordre des Mondes à l'oeuvre, la peinture de personnages charismatiques, souvent profonds [un méchant dont les traits rappellent Klaus Nomi, ou la mère-pionnière du jeune héros, unique voix à s'élever contre la tyrannie]. Globalement, le film emprunte des détours convenus mais se les approprie avec ingéniosité. Il exalte notre curiosité avec son goût des cultures fastes et son imagination graphique débordante. On le quitte certain que ces Enfants de la pluie pourraient constituer de parfaits premiers émois cinéphiles à la jeunesse à laquelle ils se proposent.