Tourné en pleine Guerre Froide et quelques années après la crise de Cuba, « The Bedford Incident » s’inscrit à fond dans cette période. On y suit une traque nautique entre un sous-marin soviétique et un navire américain, au large du Groenland. Mais cette poursuite s’avère bien vite secondaire, l’intérêt du film résidant davantage dans les confrontations entre les membres d’équipage américains (les Soviétiques n’étant jamais montrés à l’écran). Là-dessus, on échappe à la sempiternelle opposition entre le commandant et son second. Le scénario se veut ici plus fin, présentant un commandant exigeant et déterminé, voire obsédé, mais apprécié de tout son équipage pour son efficacité et l’excitation de l’action qu’il sait amener. Un rôle tenu par un Richard Widmarck très en forme, aussi souriant que dur, qui flirte en permanence entre la défense agressive et la provocation délibérée, face à un sous-marin en temps de paix (rôle accessoirement inspiré du capitaine Ahab de « Moby Dick », qui est référencé !). Une posture militaire assez rare au cinéma, les Américains étant souvent présentés dans leurs films de l’époque comme passifs, devant des Soviétiques plus agressifs. Face à ce commandant, divers personnages tenteront de le raisonner. Un vieux commandant de U-Boot en tant que conseiller technique (et caution morale), mais surtout deux nouveaux arrivants. Un journaliste qui fait une enquête sur lui (piquant Sidney Poitier), et un médecin réserviste qui le met en garde contre la pression qu’il impose à ses hommes (charismatique Martin Balsam). Ce sont ces oppositions qui apportent leur sel au film, qui met un peu de temps à démarrer dans son intrigue militaire, prenant son temps pour mettre en place son univers (par ailleurs très documenté). Pour autant, le dernier acte s’avère particulièrement haletant, jusqu’à un final intense, qui clôt de manière étonnante et abrupte.