Je l’ai longtemps cherché et, enfin, au détour d’obscures pérégrinations Youtubiennes, je l’ai finalement trouvé : Lady Oscar, Ze Live-action movie, euro-nippo pudding de haute volée datant d’avant l’arrivée massive des Anime japonais dans les foyers européens. Pour ceux qui s’en souviennent, Lady Oscar, c’est ce dessin animé diffusé sur A2 au milieu des années 80, avec une femme travestie en soldat pour obéir à la volonté paternelle, qui se retrouve plongée à la fois dans les tourments des années précédant la révolution française et dans son propre rapport à son sexe et à ses sentiments. En 1979, le dessin animé, tiré du manga ‘La rose de Versailles’ de Ryoko Ikeda était totalement inconnu en France (et l’est resté encore quelques années puisque ce film est sorti à peu près partout...sauf en France ! ). Supposant que même le public japonais aurait tiqué à la vue d’acteurs et d’actrices asiatiques en perruque poudrée et robe à panier évoluant dans des jardins à la française, les producteurs nippons donc délocalisé l’adaptation en Europe, embauché des acteurs anglophones (pour l’exportation) et confié la réalisation à Jacques Demy, grand réalisateur de la Nouvelle Vague ayant quelques affinités avec le kitsch flamboyant depuis son ‘Peau d’âne’ avec Catherine Deneuve. Ils se débrouillèrent même pour obtenir l’autorisation de tourner au château de Versailles, ce qui n’était pas chose courante à l’époque. Du coup, la reconstitution historique n’est pas si mauvaise qu’on pourrait le penser si on excepte diverses exagérations fantaisistes dans les costumes ou les coiffures mais bon, on est dans le portage d’un manga après tout, pas dans la Révolution française supervisée par Jean Tullard. Comme dans le manga, la continuité des événements historiques est à peu près respectée et, si les personnages sont farouchement caricaturaux, les anachronismes qu’on repère sont de l’ordre du détail et ne ridiculisent pas l’ensemble...enfin, pas plus que le jeu mécanique des acteurs, assez lamentables dans l’ensemble : la responsabilité en incombe, à égalité, à l’ancienneté du film (regardez les ‘Angélique’ de Borderie, ce n’était pas beaucoup mieux) et au ciblage japonais du projet : il fallait simuler, à destination d’un public étranger biberonné aux images d’Epinal, la préciosité ampoulée associée à la noblesse européenne du 18ème siècle. Du coup, on n’a pas l’impression de se retrouver face à un nanard délirant mais devant un travail qui a fait ce qu’il pouvait pour être pris au sérieux, tente de concilier l’inconciliable et n’avait aucune chance d’y parvenir, tant la barrière culturelle et le respect dû à l’histoire constituaient autant de digues impossibles à faire céder en ce temps là. Quatre décennies de consommation d’Anime et un rapport à l’histoire en chute libre au sein du public corrigent à présent ce ressenti, même si le temps écoulé n’a pas fait non plus beaucoup de bien au résultat, qui paraîtra bien mou et vieillot, mais se laissera tout de même suivre avec une relative curiosité par ceux qui ont connu leurs premiers émois avec Oscar de Jarjayes (ou bien était-ce Lady Armanoïde ? Quoi qu’il en soit, ce n’était pas Venusia..!). Signe de cette familiarité générale avec la culture cinématographique et télévisuelle japonaise, ce qui ne me marquait pas vraiment quand je regardais le dessin-animé m’explose aujourd’hui au visage : Lady Oscar, c’est du pur Drama transposé 2 siècles dans le passé, avec ses chassés-croisés sentimentaux, ses choix cornéliens, ses drames et ses déchirures morales. Bien entendu, le film n’a pas vraiment le temps de s’appesantir sur tout ça en deux heures, d’autant plus qu’il était impossible à un réalisateur européen de l’époque de comprendre les attentes du mystérieux et mélodramatique public japonais, mais on sent que tout est là, tapi sous la surface, et que transposé au format d’une série, on aurait eu largement le temps d’en remarquer chaque cri de désespoir et chaque larme (scintillante) de souffrance ! Inutile d’en rajouter sur cette expérience foireuse mais tout de même pionnière, qui a juste été tentée trop tôt pour qu’elle ait la moindre chance de fonctionner : comme je l’ai lu chez Nanarland, si Besson avait débauché Kitano pour tourner Zatoïchi au Japon, ça aurait fait marrer de Sapporo à Nagasaki !