Lorsque qu'un artiste (je regroupe par ce terme cinéastes, musiciens, écrivains, poètes...) nous livre une de ses créations, c'est qu'il a forcément quelque chose à nous dire, qu'il a éprouvé un besoin irrépressible de prendre la parole. Ainsi peut-on légitimement penser que les productions audiovisuelles actuelles venant des pays du "Sud" ont en général plus de facilités à nous montrer quelque chose d'intéressant. Pourquoi ? Du fait de la complexe et parfois chaotique situation économique, sociale et politique du pays où le long-métrage a été tourné. Il y a en effet probablement plus à dire sur les favelas Brésiliennes que sur les chics restos Parisiens, ne trouvez-vous pas ? A armes égales, un polar bien fichu pourra plus ou moins densifier un double-discours selon le contexte dans lequel il a été tourné. Voilà pourquoi un thriller à priori banal (mais bien fait) comme "O invasor" possède un fond certain : hormis son suspense et son intrigue, il décrit également la vie de quartiers pas franchement pacifiés et s'attarde sur le mode de pensée dominant de cette gigantesque jungle urbaine... Certes, l'analyse est très synthétique et ses revendications (perceptibles à travers des morceaux engagés de Rap et de Punk) ultra-classiques... N'empêche qu'au lieu de suivre le film la tête ailleurs, on y pose un regard nettement plus attentif. La mise en scène très brute (caméra à l'épaule, montage parfois saccadé, image graineuse, etc...) lui donne une certaine crédibilité en terme de réalisme, de même que l'interprétation spontanée d'acteurs souvent à la limite de l'improvisation. Sinon, les rebondissements sont tout sauf téléphonés, la fin convaincante, la tension omniprésente, le comportement des personnages souvent imprévisible... Bien sûr, "O invasor" ne casse pas des briques, ne réinvente pas le cinéma : c'est "seulement" un très bon essai de genre (paradoxal ?) possédant une dimension sociale passionnante. Pour les nerveux et les rageurs qui aiment les films directs.