Big Jake vaut pour la peinture qu’il propose d’un temps de transition entre deux âges du Sud des États-Unis au début du XXe siècle, le premier marqué par l’univers des vieux cowboys cher aux westerns traditionnels, le second mettant en scène une génération qui se perfectionne – ou pense le faire – au volant des premières voitures, sur une moto lancée à toute vitesse, maniant des armes à la technologie plus avancée. En ce sens, le film transpose son propre contexte, marqué par l’agonie progressive d’un genre alors à bout de souffle, dans celui du long crépuscule d’un savoir-faire et d’un savoir-vivre. Le cinéma recouvre l’Histoire. Et, pour ce faire, choisit un ton on ne peut plus burlesque : les relations qui unissent et désunissent Wayne-père et ses deux fils apportent un humour constant et souvent lourdingue, la lutte des générations et des mœurs donne lieu à une guéguerre plutôt sympathique quoique traitée par le réalisateur avec très peu de subtilité. Car ce qui transparaît à la vue de ce Big Jake, c’est essentiellement un fourre-ton tonal et dramatique où les scènes bucoliques appellent les plus terribles cruautés – voir à ce titre le massacre de la famille au début du long-métrage –, où le convoi censé délivrer l’enfant de ses ravisseurs se transforme en concours de vacheries et en démonstration de force, où seule vaut la transmission de la tradition idéologique qui unit et doit unir le père et son fils ou, à défaut de fils réceptifs, le petit-fils, d’ailleurs ici de même nom que le papy. Derrière l’affrontement générationnel se cache (assez mal, reconnaissons-le volontiers) la thèse du conservatisme selon laquelle la loi du cheval et des vieux fusils garantit la survie des membres d’une famille, là où technologie et insolence ne produisent que fracas et situations ridicules. Preuve à l’appui, le p’tit gamin échappe à ses ravisseurs muni d’un p’tit pistolet dont il se sert pour repousser l’ennemi, en accord avec les principes du patriarche Wayne. Film à thèse, oui, mais film proposant une relecture pertinente du western par reflets exagérés, déformés, bariolés de sang et couronnés de blagues. Nous suivons les personnages engagés dans une aventure étrange avec des nuits en carton-pâte, des combats de boue, du sang couleur Ketchup et un John Wayne conscient de la parodie qu’il campe. Parodie aux vertus pédagogiques qui témoignent de l’investissement de l’acteur dans la défense d’une certaine idée du patriotisme et, donc, du cinéma américain.