Seconde réalisation pour Alan J. Pakula après Pookie, Klute met en scène un détective privé qui va être chargé de retrouver un savant et ami à lui. L'enquête va vite le mener à New York où il va rencontrer une prostituée avec qui le disparu aurait eu quelques liens...
Avec Klute, Pakula s'attaque au film noir façon nouvel Hollywood et en livre l'un des sommets de sa longue et belle carrière. Orchestré d'une main de maitre, il nous immerge littéralement dans la face sombre de New York, ici ville du vice et du péché, et braque sa caméra sur les deux protagonistes, le détective et la prostituée. Ils sont à ses yeux plus importants que l'enquête en elle-même, qui n'est ici qu'un prétexte pour en dresser les portraits et l'évolution, où plusieurs sentiments viendront s'y mêler. Elle, c'est Bree, une prostituée dont les liens avec l'affaire sont ambigus et comme elle le définit, elle joue un rôle et répond au besoin, même les plus fous, de ses clients. Lui, c'est un détective privé plutôt flegmatique et mélancolique, obnubilé par son enquête malgré la difficulté de la mener à bien. Pakula nous entraine dans leurs tourments, donnant à son oeuvre une vraie dimension psychologique et torturée.
Le sexe est omniprésent dans le film, que ce soit à travers les relations entre les personnages, la ville de New York en elle-même, les désirs les plus enfouis de chacun et la façon dont il peut être manipulateur, devenant un rapport de force et les motivations de certains personnages. Du sexe que l'on voit beaucoup à l'écran, filmé de manière crue par *Pakula qui s'en sert pour explorer la nature humaine. Comme il le fera par la suite avec The Parallax View et All the President's Men, Klute est aussi un film politique comme il en connaissait et maitrisait les ficelles, ici en étudiant le système, la façon dont on peut être surveillé et la parano d'un pays. Le tout est brillamment écrit (tant dans les personnages et leurs évolutions que les dialogues, sonnant toujours juste) et maitrisé par Pakula, sachant donner de l'importance à tous ses personnages et thématiques, trouvant toujours le bon équilibre.
Là où Klute prend une dimension toute particulière, c'est dans la manière qu'a Pakula pour mettre en place une atmosphère ambiguë, froide, dérangeante mélancolique et surtout hypnotique et fascinante, faisant en sorte que le spectateur soit tout le long happé par le film malgré un rythme lent mais adéquat. Une atmosphère sublimée par la bande originale, notamment les quelques inquiétantes notes de piano et les incessantes sonneries de téléphone mais aussi sublimée par la réalisation de Pakula, sa manière de jouer avec les couleurs et les ombres, que ce soit dans les appartements ou vis-à-vis des personnages. C'est au plus près de ces derniers qu'il braque sa caméra, nous immergeant totalement dans leur quotidien et il sont servis par d'excellentes interprétations. Jane Fonda est aussi mignonne que sensuelle, mystérieuse et inoubliable, arrivant à donner un côté humain à son personnage tout en explorant ses vices. Quant à Donald Sutherland, il arrive à insuffler de la mélancolie et du flegme à son personnage qui va se retrouver perdu dans une ville trop grande et vicieuse pour lui.
Une oeuvre incroyable où Pakula fascine, envoute et dérange tandis qu'on est happé par l'atmosphère qu'il met en place. Il explore la nature humaine en nous immergeant dans une ville dangereuse et vicieuse, avec des personnages aussi ambiguës que passionnants et brillament interprétés. Une immmense claque pour une oeuvre qui n'a pas fini de me hanter.