Un très grand film qui vu en 2024 a gardé toute sa puissance , son rythme mais aussi sa beauté esthétique. D’ailleurs au-delà de la polémique déclenchée à l’époque, en 1957, pour laquelle il est célèbre, de son interdiction dans certains pays, de la tentative de censure dans d’autres , dont la France, on s’aperçoit que le film a gagné en maturité , comme un très grand vin , tel un très grand cru millésimé. En effet plus de polémique en 2024, sur le fond, ce qui est décrit est tout simplement la vérité, le film n’est pas tant « antimilitariste » comme on a voulu le cataloguer , mais il décrit plutôt une dérive autoritaire , ce qui arrive souvent en temps de guerre (avant et après celle de 14-18) ,et le risque de dérapage, dramatique, de folie meurtrière, d’abus de commandement . Ici l’histoire de ces poilus qui refusent d’aller au combat, comme de la chair à canons, puis condamnés et fusillés, injustement, a depuis été confirmé, validé, admis et reconnu politiquement. D’ailleurs les soldats qui servaient d’exemple au livre, puis au scénario, ont tous été réhabilités, voir décorés (assez récemment il est vrai ). Donc le film est bien d’une justesse politique incroyable, courageuse et prémonitoire. Mais il y a aussi la beauté esthétique, car le film n’est pas du tout un documentaire. Les cadrages, les plans séquence dans les tranchées sont remarquables, d’une incroyable précision, avec les bombes qui tombent autour de Kirk Douglas, courant au fond de la tranchée, et son regard halluciné. C’est ce que l’on retrouvera dans le tout récent « 1917 ». Le travelling latéral lors du procès en arrière-plan, est d’une grande beauté et très fort, un modèle du genre pour les écoles de cinéma. Les travellings avant dans le « no man land » remarquables. Une vraie leçon de cinéma. L’image Noir et Blanc est sur-contrastée, avec du grain, plein de détails dans les décors, très pictural, d’un grand esthétisme qui annonce déjà les futurs chef d’œuvre en couleur de Kubrick, et confirme sa maîtrise absolue de la lumière, des éclairages , et des mouvements de caméra qui était la sienne. La scène finale, hors contexte direct, aborde le thème de la fraternité des peuples, cette chanson allemande, portée par une prisonnière en larme, sur une scène devant une assemblée de soldats français aux regards hagards, fatigués, hirsutes, annonce la réconciliation de peuples ; les soirées de noël de 14-18, que l’on découvrira ensuite. Là encore Kubrick est complétement visionnaire, est le réalisateur de génie qui a placé peut-être 4 à 5 de ses films dans les 20 chef d’œuvre du cinéma mondial, et celui-ci en fait partie.