En faisant voler en éclats les régles des genres chers à Hollywood, Robert Aldrich s'affiche aussi du même coup comme un cinéaste de la contestation, dans la lignée d'Orson Welles. En trois films, Le Grand couteau (en 1955), En quatrième vitesse (en 1955) et Attaque ! (en 1956), Aldrich déploie pour la première fois la rigueur formidable qui sert son obsession majeure, l'aventure humaine au cœur de relations antagonistes dans un monde brutal et marqué par le cynisme.
Après avoir donné la réplique à Richard Widmark dans ses deux premiers films, Jack Palance enchaîne les films de guerre et d'aventure en imposant son physique atypique et notamment son visage étrange et inquiétant qui l'abonnent aux rôles de "méchants de service". Robert Aldrich l'engage une première fois pour tourner Le Grand couteau et lui confie ensuite le rôle du lieutenant Costa dans Attaque !, qui lui apporte une importante popularité. Aldrich fera une nouvelle fois appel à Palance dans Tout près de Satan, une histoire de démineurs où il affronte Jeff Chandler dans une atmosphère sombre et désenchantée. Palance et Marvin se retrouveront quant à eux à deux reprises, notamment pour Les Professionnels de Richard Brooks.
Remarqué pour son rôle de soldat valeureux dans Attaque !, Jack Palance part travailler en Europe dans les années 60 et reprend les personnages qui ont fait sa renommée Outre-Atlantique. Avant d'enchaîner de nombreux westerns où son physique marmoréen est fort prisé. Il tourne ainsi en Italie quelques films de guerre, notamment La Dernière attaque, dont le sujet et le titre français sont un écho évident de l'impact du film de Robert Aldrich.
Charge au vitriol contre l'armée, Attaque ! bénéficie de l'appui de comédiens visiblement concernés et qui acceptent d'endosser les habits de personnages peu reluisants. Ainsi, aux côtés de Jack Palance dans le rôle du brave, on trouve Eddie Albert et Lee Marvin. Chez Robert Aldrich, on retrouvera le premier, abonné aux rôles de salauds, dans Plein la gueule et le second dans Les Douze Salopards, dont le succès international donne à Aldrich le pouvoir de créer son propre studio, privilège d'autant plus rare qu'il est évidemment fondé sur un malentendu, puisque si beaucoup le voient comme une apologie fasciste de la violence, le film est en réalité, comme Attaque !, un terrible pamphlet anti-militariste.
Jack Palance et Lee Marvin, tout comme Peter van Eyck et Eddie Albert, sont d'authentiques vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Les faits d'armes d'Eddie Albert sont d'ailleurs bien éloignés de son personnage dans Attaque ! : loin d'être lâche, l'acteur a participé au sauvetage, sous le feu ennemi, de soixante-dix Marines.
A l'image du personnage dur et antipathique de Mike Hammer, interprété par Ralph Meeker dans En quatrième vitesse, les personnages campés par Eddie Albert et Lee Marvin dans Attaque ! sont essentiellement habités par la lâcheté et le cynisme. Un parti pris plutôt original qui sert le propos du cinéaste, à savoir qu'en matière de guerre, l'ennemi ne se trouve pas forcément dans le camp d'en face.
Rejetés aux Etats-Unis mais célébrés en Europe, les films de Robert Aldrich sont intransigeants mais l'homme reste lucide, en vue d'une indépendance qu'il recherche à tout prix. Il frappe malgré tout fort avec Le Grand couteau et Attaque !. Hollywood n'aime cependant pas les provocations et le punit sévèrement. Le Grand couteau reçoit une volée de bois vert, quant à Attaque !, il restera l'un des rares films américains à se voir refuser le concours de l'armée, que le cinéaste avait pourtant sollicité. Le film recevra pourtant le prix de la critique au Festival de Venise en 1956.
Après le western, avec Vera Cruz, qui annonce la vague des westerns italiens qui va bientôt déferler sur les écrans, et le film noir à l'ère nucléaire, avec En quatrième vitesse où l'intrigue amène un détective privé à entrer en possession d'une mallette contenant un redoutable élément radioactif, Robert Aldrich dynamite le film de guerre avec Attaque !, où il se joue de toutes les conventions en dressant un portrait d'un officier veule et lâche.