Un casting réunissant Jean Gabin, Paul Frankeur, Annie Girardot et Lino Ventura, sous la baguette de Gilles Grangier, et sur des dialogues Michel Audiard : voilà de quoi attirer le spectateur se réjouissant de découvrir un film plus ou moins méconnu. Car si l’ensemble des personnes citées nous a habitués à de grands œuvres, j’ai dû constater à ma grande surprise que je n’avais jamais entendu parler de "Le rouge est mis". Dans ce film aux couleurs de polar noir des années 50, on retrouve Gabin dans son rôle de prédilection : celui de gangster, sous la couverture d’une vie d’honnête homme
en garagiste
. Un rôle qu’il a souvent endossé, mais dans lequel je l’ai trouvé assez plat, si plat qu’il ne parvient que rarement à donner de l’importance à son personnage, qui manque cruellement de relief, contrairement à ce qu’il nous a habitués par ailleurs. Il est affublé d’un Lino Ventura dans la peau de Pepito, un véritable gorille prêt à dégainer au moindre prétexte, et parvient même à être inquiétant de par ses attitudes
(postures de gros dur lors de ses premières confrontations avec Fredo, un couard de première), mais aussi par son déboulonnage complet lors du changement de véhicule à la ferme
. A mon sens, seule Annie Girardot parvient à tirer son épingle du jeu, parfaite en femme superficielle qu’est Hélène, totalement vénale
(on voit son regard changer quand Gabin déballe une épaisse liasse de gros billets)
, et prête à tous les sacrifices pour vivre confortablement
en se jetant dans les bras de Louis
. Même les dialogues de Michel Audiard sont moins léchés qu’à leur habitude : ils sont plus sages, bien qu’ils comportent quelques bonnes banderilles ici et là. Le plaisir de découvrir ce film méconnu est rapidement gâché par la première scène d’action, l’agression dans la rue d’un homme afin de le dépouiller : on voit nettement que les coups portés sont faits pour de faux, que les coups sont retenus, que la victime en rajoute, en résumé que c’est du chiqué. Il en est de même pour la scène finale, dans la cage d’escalier. Ces scènes travaillées de façon grossière manquent donc cruellement de crédibilité. Par contre, en dépit d’une réalisation et mise en scène bien fade, l’immersion dans l’époque est très bonne grâce aux décors, aux véhicules, aux costumes et plus particulièrement aux tenues très distinguées de ces dames. On retrouvera avec une certaine nostalgie l’esthétique des enseignes d’antan, loin des néons agressifs et racoleurs d’aujourd’hui, et on constatera également que bon nombre de commerces, alors nombreux à l’époque, ont disparu ou presque, comme par exemple la graineterie qui apparait en arrière-plan à un moment donné. Entre le gang, les casses, la notion de famille, les femmes, l’ambiance parisienne très 50’s, les trahisons, les cavales, on avait tous les ingrédients pour avoir un bon film. Mais les personnages et l’intrigue sont travaillés avec trop peu de profondeur pour en faire quelque chose de réellement prenant. L’impression générale en fin de film est que je n’ai pas trop eu la sensation d’assister à un film policier, les forces de l’ordre ayant finalement été assez peu utilisées
, hormis le chantage et les manipulations
. J’ai eu plus l’impression d’assister à une fresque familiale et amicale, quoique dans le cas qui nous intéresse, on en montre les limites… "Le rouge est mis" est une fiction qui se suit agréablement, mais qui fait rester sur notre faim, ce qui explique sans doute que ce film n’ait pas bénéficié du même succès que certains autres films du genre.