Les plus utilesLes plus récentesMembres avec le plus de critiquesMembres avec le plus d'abonnés
Filtrer par :
Toutes les notes
Un visiteur
5,0
Publiée le 23 juillet 2009
J'ai vu ce film cette nuit et je l'ai aimé, entre perplexité et adhésion enthousiaste, selon les moments. J'ai notamment apprécié sa forme originale et troublante, subtile et complexe intrication entre intrigue policière (que l'on suit avec intérêt, même si elle ne fait clairement pas la force du film) et cette étude avisée du théâtre, quasi-métaphysique. Et que dire du jeu des acteurs, captivant, entre fraicheur maladroite - très 1980's - et retenue pudique.
J'ai aimé, encore, le charme ambigu de Laurence Côte, la garçonne en pleine confusion sexuelle et détresse affective.
J'ai aimé, enfin, les précieuses saillies insolites qui jalonnent ce film, ainsi que son final sobrement efficient.
"La Bande des quatre" promet au cinéphile curieux et averti (ainsi qu'aux autres) - une - longue (2h40, toujours passionnantes) - immersion au coeur d'univers matriarcaux (le cours de théâtre déserté par les hommes ; la maison des principales protagonistes, où la présence masculine est si rare qu'elle en devient incongrue, perturbante) sensibles, lieux de rapports humains paradoxaux et de stimulantes tensions.
L'ouverture de "La bande des quatre" dit beaucoup de l'esprit du film : une jeune femme monte des escaliers et, à peine la porte ouverte puis passée, elle se met à incarner son personnage sur scène. Comment interpréter ce moment ? La réalité et le jeu appartiennent à deux mondes distincts mais le passage de l'un à l'autre se fait sans transition. Constance, enseignante du cours d'art dramatique, a beau dire que les affects de ses étudiantes ne doivent pas se ressentir sur scène - autrement dit, on laisse ses histoires personnelles au vestiaire -, le monde va progressivement gagner la scène et les jeux d'identité troubles vont s’immiscer à l'extérieur. C'est en brisant un schéma binaire qui semble d'abord net que Rivette parvient à mettre en scène la porosité entre le rationnel et l'étrange, la sincérité et l'hypocrisie. Les frontières sont si infimes qu'à mesure que les pistes s'accumulent, c'est en fait le mystère qui s'épaissit, à tel point qu'on en vient à être moins avancé à la fin qu'au début. Que veut concrètement cet homme qui vient perturber le quotidien des quatre actrices ? Quel rôle joue Constance dans cette affaire ? Lucia est-elle dotée de pouvoirs insoupçonnés ? Et quid de ces plans de transitions sur le métro qui file dans une nuit épaisse ? Ludique et complexe, "La bande des quatre" fait l'éloge du vague en faisant ressentir le vertige du secret proche d'être percé mais qui toujours s'échappe in extremis. C'est aussi un modèle de faux film policier et un document important, presque métaphysique, sur l'acte de jouer. Film riche, moins déstabilisant car à première vue moins improvisé que d'autres longs-métrages de Rivette appartenant à la même veine ("Céline et Julie vont en bateau" ; "Le pont du Nord"), "La bande des quatre" n'en demeure pas moins insaisissable et demande d'autres visions afin de percer son mystère, ou du moins s'en approcher.
Le cinéma de rivette n’est pas un divertissement, c’est une analyse. C’est pour cette raison que le cinéma d’auteur est particulièrement langoureux et barbant. On ne s’intéresse pas au but de l’action mais à son élaboration. Un peu comme à l’école: ce n’est pas le résultat qui importe le professeur, mais la manière de l’obtenir. La méthode est mise en avant au détriment de l’action qui n’existe pas. Voilà ce que ce film a réveillé en moi comme analyse de l’analyse. Ensuite il y a des degrés dans le cinéma d’auteur. Rohmer par exemple, c’est de l’analyse récréative. Renais c’est hautement intellectuel quand il ne filme pas des opérettes ou des petites pépites comme « on connaît la chanson ». Rivette c’est le cinéma d’auteur assommant.