Le Satyricon, voilà une oeuvre singulière, d'autant plus que sa source, le "Satyricon" de Pétrone, ne nous a été restituée que sous forme de fragments, rendant le tout assez nébuleux. C'est en se servant de cette caractéristique, que Fellini nous offre un film riche, plein de couleurs, d'éclats et de décadence, mais aussi plein de mystères. Il est d'abord interessant de noter que pour reproduire cet aspect fragmenté de l'oeuvre, Fellini ne cesse d'enchaîner les fondus au noir, nous prévenant que l'on passe d'un monde à un autre, ou plutôt d'un tableau à l'autre. Pour le reste, nous retiendrons surtout la splendeur plastique du film, véritable éblouissement pour les yeux, où couleurs et fastes se mélangent, où des acteurs au corps sculptural évoluent devant nos yeux, Martin Potter en tête, dont les yeux bleus rayonnent sur l'écran. Cette puissance visuelle est d'ailleurs amené à son sommet par de magnifiques panoramiques et plans en hauteur. Pour ce qui est du fond,bien évidemment Fellini nous donne à voir une société en pleine débauche, où les orgies sont de mise, le meilleur exemple étant le festin de Trimalchion. On note également la récurrence de grosses femmes à l'aspect repoussant, impudiques cependant, qui contrastent avec le raffinement et la beauté de la plupart des corps masculins, les aventures homosexuelles étant considérées comme tout à fait normales et même quelque part plus pure. Enfin il semble y avoir également une profonde réflexion sur la mort,celle-ci omniprésente durant tout le film, et une question obsédente : où finirons-nous une fois mort ? Quel rite effectuer pour honorer le corps ? Pleurer, ou bien même le manger ? Mais il paraît évident que pour les romains, la meilleure chose à faire était de se divertir de cette pensée au sens pascalien du terme, en se vautrant dans la débauche et la luxure. Une oeuvre riche donc, foisonnante, mais à regarder sans chercher à y voir une logique quelconque, au risque de gâcher son plaisir.