Victimes du soir, bonsoir. Vous êtes déjà nombreux à être aller voir le dernier film d'Emir Kusturica, "Promets-moi", et aucun doute sur le fait que vous le serez encore plus en ce qui concerne les prochaines séances. Cette petite chronique/critique, va prendre par mes soins les allures d'une annonce générale, d'un avertissement même : ce film est à ne pas voir. Surtout pas. Car si Kusturica a su nous émerveiller avec des oeuvres aussi magnifiques que "Underground", "Chat noir, chat blanc" ou "La vie est un miracle!", il s'est perdu dans sa propre manière de faire du cinéma en signant là un incomestible chaudron de tout et de rien. Les saveurs si poétiques de ses précédents films ont disparus au profit d'une métaphore balourde sur le (non) sens de la vie, l'humour cocasse devient ici d'une grossièreté écrasante, et son style visuel particulier se métamorphose en un cauchemar de couleurs criardes et laides, toutes aussi improbables les unes que les autres. Le reçit, en cavale, triture les valeurs que le film semble afficher (famille, violence, amour, fête), et détruit toute compréhension ; comme des sketchs qui défilent, sans rapport les uns aux autres, les aventures prennent une forme abstraite et dénuée de toute direction concrête. On frise l'insupportable dans ce vacarme où tout le monde crie, pleure, baise, mange, castre d'une manière aussi dégueulasse que la façon dont Kusturica semble vouloir se faire de l'argent. Et remet en cause les valeurs du succès : est-ce bien parce qu'une carrière a pris forme que l'on peut tout se permettre? La plus profonde des débilités, pour l'argent, ou l'hystérie totale, pour son simple plaisir? Car si Kusturica prend plaisir à faire cette mascarade (ce qui reste à prouver tant rien n'est soigné), le spectateur, lui, est passé à la trappe, et n'est plus le facteur principal. Autrement dit, il se peut que Kusturica se fiche de nous. Horriblement vulgaire, multi-directionnel (comprendre par là non-sensesque), lourd, bruyant, grossie