Je suis un très grand amateur du cinéma d'Ophüls, il n'y a pas un de ses films que je n'adore pas, que ça soit lettre d'une inconnue, la ronde, Lola Montes et j'en passe. À chaque fois il y a une virtuosité de la mise en scène, quelque chose de beau et fluide, dans lequel se dessine un destin bien souvent tragique (Madame de… Lola Montes, lettre d'une inconnue, Liebelei) ses drames en somme, ou bien dans ses comédies, comme la Ronde, où malgré le rire, il arrive à dire des choses sur la vie. Je veux dire par là qu'il n'est pas seulement un grand metteur en scène, mais qu'il sait aussi raconter des histoires, et des histoires sublimes. Pour ce "prise au piège", second film que je vois d'Ophüls de sa période américaine, je dois dire que c'est sans doute le moins bon que j'ai vu de lui, c'est un drame moins sombre que les autres, américanisé en somme, je trouve ça dommage, lorsqu'on voit qu'il a modifié la fin du bouquin de Madame de… pour ne pas tomber dans le mélodrame facile, ici je trouve que l'exercice est un peu bancal. Je ne sais pas à quel point il avait les mains liées, mais j'ai pas retrouvé le Ophüls que j'aime, si ce n'est que dans de très rares occasions, une scène de danse par exemple, ou bien un échange entre deux médecins, où Ophüls, comme l'air de rien montre l'ingéniosité de sa mise en scène, alors que c'est juste un champ contre champ. On garde une certaine fluidité, mais j'ai l'impression que le tout n'est pas très bien raccordé ensemble, qu'il manque des bouts de film, même si ces ellipses sont explicités plus tard, ça fait un peu bizarre. Ou bien je pense au final où on peut vraiment se demander que fait tel personnage à cet endroit précis, ça relève du détail, mais bon, ça empêche d'y croire vraiment, de compatir au destin de cette femme plutôt conne au début, qui se rend compte que les contes de fées avec des princesses et des princes charmants ça n'existe pas… Sinon le film est très agréable à suivre, mais pour un Ophüls on peut exiger beaucoup mieux. Sinon l'interprétation de Mason est vraiment bonne, ce mec a du charisme, une aura, les scènes avec lui sont vraiment réussies, elles dégagent quelque chose de vivant et d'humain, tandis que les scènes avec Robert Ryan sont plus froides (normal vu son rôle), mais me semblent moins réussies. Après Ophüls comme je l'ai dis nous livre quelques belles scènes, même si je suis déçu du faible nombre d'escalier dans le film, parce que voir Ophüls filmer un escalier c'est quasi orgasmique d'habitude, c'est très baroque, il suit les courbes, la rampe, comme si c'était les hanches d'une femme. Là c'est un peu froid. Je ne sais pas comment c'est fait ce film, dans quelles conditions, mais je dirai, peut-être naïvement, que Ophüls n'a pas pu faire ce qu'il voulait faire.