Il est très difficile de penser à un film qu'on a pas vu sans automatiquement porter un préjugé dessus. Ainsi, L'Obsédé était pour moi une de ces superproductions fades que certains réalisateurs pourtant talentueux livrent à la fin de leur carrière (David Lean est bien évidemment un superbe contre-exemple), ainsi Anthony Mann ou bien William Wyler dont il est question ici : La Rumeur, Comment voler un million de dollars... Mais il s'agit finalement de l'un de ses meilleurs films, et certainement le plus abouti sur le thème de la folie, plus encore que L'Héritière. Le titre du film a été très bien traduit en français : le collectionneur de papillons est victime d'une obsession aux multiples visages. Terence Stemp joue un jeune homme qui collectionne les papillons. Il a toujours été victime de vexations auprès de ses collègues de la banque, et souffre d'un sentiment de rejet des femmes. Il en devient complètement fou, et, passionné par les papillons, il finit même par prendre les femmes pour des papillons : en les endormant par surprise avec du chloroforme, il les emprisonne et les collectionne. Il s'imagine possesseur des femmes qu'il capture, mais éprouvant une admiration telle qu'elle le paralyse et l'empêche d'assouvir ses pulsions sexuelles. Car ce héros souffre d'une profonde frustration sexuelle due à son mal-être et à sa timidité. C'est donc une relation ambigüe qui le lie à sa victime, Samantha Eggar : à la fois amoureux et brutal, il ne sait comment agir et ne cesse malgré lui de la faire souffrir et de la rendre malheureuse. Brillamment interprété, et accompagné d'une lumineuse partition de Maurice Jarre, le film est lui-même ambigu : Terence Stamp est-il sympathique ? Samantha Eggar aime-t-elle son ravisseur (comme atteinte du syndrome de Stockholm ou bien compatissante ou autre chose de plus compliqué encore, mélange de dégoût et d'attraciont) ? Aime-t-on regarder ce film étrange, se sent-on bien devant ce film aux couleurs chatoyantes, fait rare pour un huis-clos ? N'a-t-on pas honte de se délecter devant des scènes finalement abominables ?
Tragique et douloureux, car Terence Stamp sera dûrement affecté par l'issue de l'histoire, et s'enfoncera dans une folie éternelle, et car Samantha Egger est l'innocente victime gratuite de la maladie de quelqu'un qui lui était totalement inconnu, L'Obsédé est aussi un film d'une douceur mystérieuse, comme si William Wyler nous invitait à le revoir et le revoir encore, en nous faisant espérer à chaque fois, mais en vain, que le film aura une heureuse fin.