Au même titre que Le Mépris, 2001 ou Salo, il y a un avant et un après « La Dolce Vita ». Federico Fellini a subjugué le festival de Cannes 1960, certains qualifiant l’œuvre de brûlot blasphématoire, et les autres de merveille, de renouveau cinématographique, en créant par la suite un comité de défense de l’œuvre, comme le fit Luis Buñuel. Le cinéaste italien tourne la totalité en cinémascope, accentuant la beauté de sa capitale, sa grandeur, son ambivalence au moyen d’un noir et blanc fulgurant. Ainsi balaie t-il un échantillon des occupations de la gente bourgeoise qui s’adonnent à l’ivresse absolue pour échapper à leur fade quotidien, au moyen de ce reporter arriviste, joué par un Mastroianni juste génial, qui s’aventure dans le milieu comme indic paparazzi. Simple toile de fond cependant. Car la particularité même de ce bijou, ce qu’il fait qu’il ressemble à aucun autre film, c’est cette folie, cette liberté dévastatrice, ce plaisir dans les rapports, ce réalisme que Fellini insuffle pour nous offrir un film entièrement décousu, dépourvu de toutes conventions narratives. Il est question d’amour, d’adultère, de soirées bourgeoises décadentes, de rencontres étonnantes, de dialogues incroyables… Les scènes immenses s’enchaînent : l’interview, la course effrénée dans les marches de l’Eglise, le bal dansant dans la cave, la fontaine de Trévi, les paparazzis romains et surtout cette scène de festivité, plein d’alcool et de sexe, d’une bande de marginaux.
Fellini bouge avec ses personnages, jamais de plans fixes, il gère à merveille son espace, propose un rythme d’enfer quand l’histoire en a besoin. Réflexion sur les apparences, mise en abyme de la presse cinématographique, discours hédoniste, "La Dolce Vita" est un film unique et somptueux.