De prime abord on est consterné par la vacuité et la suffisance des dialogues et des personnages. Par exemple, Marcello s'extasie devant Silvia qui se baigne dans la fontaine de Trevi: "Oui Silvia, oui je viens moi aussi, je viens te rejoindre, oui c'est toi qui a raison, Silvia, nous avons tous tort, c'est toi qui a raison (...) Silvia qui es-tu?". Ces propos sont creux et abscons, pour autant prétendent clairement vouloir dire quelque chose. Steiner (Alain Cuny) devant une toile assez banale:"On peut dire qu'ici l'artiste n'a rien laissé au hasard tu ne trouves pas?" Les personnages ont la prétention d'être intellectuels mais ne décollent jamais de la superficie. On finit cependant par comprendre que tout ce verbiage n'est pas le message du film, qu'il est le symptome d'une aristocratie mondaine décadente. Pour autant, on est à l'opposé d'une satire comique. Il s'agit bien d'une tragédie. Ses protagonistes sont désespérément seuls, égoïstes, absurdes. Le film est lui-même loin d'être un film facile, contrairement à ses personnages. De nombreuses saynètes le composent, sans véritable lien hormis la présence de Marcello, mais qui se font écho les unes aux autres. Par exemple, la présence divine revient fréquemment: christ en croix, apparition de la vierge, la raie géante à la fin du film. Le christ et les paillettes sont rangées au même niveau. Le thème de la mort est récurrent: Roberto photographié dans sa voiture, la tentative de suicide d'Emma, le suicide de Steiner... Le sens du film, comme celui de la vie, n'est pas clair. Il faut aussi s'accrocher pour différencier les personnages, particulièrement les féminins, dont la plastique est formatée.
Sur le plan artistique, il convient également de noter la photographie bien particulière et la mise en scène travaillée (au-delà de son aspect purement scénaristique comme évoqué ci-dessus). Le jeu sur l'espace est splendide, avec un travail sur la lumière et la géométrie; la disposition des personnages est souvent étrange: personnages quasiment bord cadre, champs contre champs alors que les personnages sont filmés de profil. Tout est mis en oeuvre pour démontrer que les protagonistes ne se parlent pas vraiment, ils ne font que se cotoyer. C'est d'ailleurs clairement établi lors de la scène de ménage en voiture - très caustique.
La Dolce Vita peut donc être rangée parmi les chefs d'oeuvre, pour sa qualité à faire parler et analyser le spectateur des heures durant, même si film repose sur la vacuité intellectuelle de ses personnages pour mieux se faire sombre et pessimiste.