Aaah Fellini... Federico Fellini.
Cette année, je me suis permis de commencer mon cycle Cannes par la Palme d'Or 1960. Juste avant de commencer la critique de ce film, j'informe que la Palme de l'année suivante (1961) a été attribuée au surréaliste Luis Bunuel, le maître d'un cinéma inclassable, pour un autre film à scandale : "Viridiana".
Pour revenir au film, "La Dolce Vita", film choc du Festival en cette année 1960, est à marquer au fer rouge dans l'Histoire du cinéma. Et ce, pour plusieurs raisons.
D'abord, Fellini accuse le coup en empoignant dans son scénario plusieurs personnages superficiels qui ne montrent pas le fil conducteur de l'histoire. Au contraire, les personnages dépeints par les scénaristes se perdent dans les méandres scénaristiques que Fellini tente d'appuyer. Le scénario, l'histoire que nous raconte Federico, est chapeauté par Tullio Pinelli, un cador dans son domaine (il a débuté avec Federico puis continue pour Bolognini, Monicelli...). D'ailleurs, on sent dans ce domaine, qu'il arrive à pimenter de par des dialogues onctueusement acides, une part de nonchalance et d'inactivité de la bourgeoisie romaine. Je peux même parler de décadence puisque tous, que ce soit Marcello (Mastroianni), dont on suit les aventures, ou Steiner (Alain Cuny), ont un penchant pour une mort lente et certaine de chacune de leur société. Un peu dans la même veine que "Parfum de femme" de Dino Risi mais avec des dialogues encore plus crus. Et "Parfum..." est sorti 15 ans après "La Dolce Vita". En cela, je peux dire que Federico anticipait la Nouvelle Vague italienne en s'égarant du néo-réalisme italien entamé par Rossellini sur son "Rome, ville ouverte". De plus, Federico, également scénariste, s'appuie sur son expérience néo-réaliste pour donner un nouveau code aux tragi-comédies italiennes. Avant-gardiste réputé ("Rome...", "La strada"), il casse les conventions avec lesquelles il a débuté pour renouveler son cinéma. Tous mes chapeaux Fellini !! Toujours côté scénario (de Federico et Tullio), on sent une approche caustique de la ville de Rome qui se fait de plus en plus décadente au fur et à mesure que le film avance. Dès le début, Fellini s'affaire à une auto-dérision que nul autre scénariste-réalisateur ne se serait offert : un Christ transporté par hélicoptère. Ce qu'a sanctionné l’Église lors du Festival de Cannes (sans aucun doute !). Un très beau revers de la part d'un des plus grands metteurs en scène italien. Toutes mes félicitations Monsieur Fellini !
Parlons ensuite musique pour l'ambiance qu'a voulu donner Federico. Nino Rota, fidèle compagnon du metteur en scène ("La strada", "Huit et demi", "Amarcord"), compose une musique des plus lancinantes. Alambiquée, elle se fait d'abord sage pour ensuite tomber dans des sons à la fois percutants, envoûtants et, à force, maniaques. En cela, Nino s'imprègne de Rome comme une ville où il ne fait pas bon vivre et où vivre se fait difficile. On peut noter la présence d'un futur compositeur qui est ici assistant de Nino Rota. Il s'agit du regretté Armando Trovajoli, alors au début de sa carrière. On le retrouvera sur le "Parfum..." de Risi notamment. Avec ces ambiances délétères au possible, Nino (et Armando !) brouillent les pistes pour mieux nous habituer à cette atmosphère un rien décontractée, libertaire et donc forcément malsain. Un peu le penchant italien de Bunuel sans pour autant atteindre la misogynie angoissante et perpétuelle d'un Bunuel au meilleur de sa forme.
Intéressons nous maintenant au casting. Mastroianni (père de Chiara. Avec ce rôle de journaliste épris des femmes, il acquiert une aura internationale) fait de "La Dolce Vita" un moment d'anthologie de part sa classe à l'italienne. Surtout avec le duo qu'il forme avec Anita Ekberg ("Guerre et paix", "Sept fois femme" avec Shirley MacLaine, "Intervista" (toujours de maître Fellini !)...), ravissante, resplendissante et glamoureuse à souhait... Et d'évoquer, quand même !, la scène mythique sous la fontaine de Trévi, devenue une scène d'anthologie avec le temps. Une scène incontournable aussi du septième art. Merci Anita et Marcello !! Déjà, ils assurent à eux deux la vision de ce Fellini aux accents dramatiques. Accents qui suivent l'air du temps : les 60's. Suivent Anouk Aimée (tout juste avant la consécration lelouchienne ("Un homme et une femme")), Alain Cuny (consacré par Carné : "Les visiteurs du soir"), Yvonne Furneaux (revue chez Autant-Lara ("Le meurtrier"...)) et Magali Noël (qui fait un début remarqué dans "Du rififi chez les hommes" de Jules Dassin) pour ne citer qu'eux.
Le parachèvement, c'est bien sûr la mise en scène de Monsieur Federico Fellini qui fait des allers-retours entre le spectateur (le regard de Mastroianni) et la scène. Ces va-et-vient ont l'art d'apaiser, de rendre le récit limpide, mais aussi d'ennuyer. Oui, Fellini ennuie mais innove en même temps, n'en déplaise à son N&B stylisé, pur, rafraichissant et toujours intact 54 ans après. C'est aussi le style fellinien que de s’approprier un personnage (Mastroianni) pour le recentrer dans son milieu. Et ce milieu est transcendé par le personnage principal qui a l'art de connaître tous les recoins de la capitale italienne. Sans doute un autre point de la mise en scène du maestro Fellini dans cet antagonisme.
Pour conclure, "La Dolce Vita" se doit d'être vue par tout cinéphile qui se respecte, et surtout, pour une culture cinématographique complète. A voir, donc, pour la célèbre scène à scandale immortalisée par un Fellini au diapason.
Il s'agissait du premier film que je voyais de Monsieur Fellini, et ce ne sera pas le dernier.
Spectateurs, passage obligatoire pour tous paparazzi !!