« Du travail, ben, c’est nouveau, ça. Ça fait dix ans que vous bâillez aux corneilles, que vous êtes rond comme une queue de pelle du matin au soir et vous voulez vous remettre au travail ? Ben dites donc, faudra vous y remettre lentement parce qu’il doit être drôlement rouillé le ciboulot. »
Contrairement à ses parrains de cinéma, Lino Ventura et Jean Gabin, reconnaissons ceci à Jean-Paul Belmondo qu’il n’a jamais eu peur de se dévaloriser dans ses films (qu’on songe au Magnifique, Philippe de Broca, 1973). On regrettera cependant que Belmondo ne descende pas aussi loin que Raimu dans la déchéance physique. Et paf ! Je m’étais juré de ne pas comparer cet Inconnu Dans la Maison avec Les Inconnus Dans la Maison de Decoin (1942) et je dois reconnaître que c’est trop difficile : les deux meilleurs prestations dans l’un comme l’autre sont celles de Loursat, l’avocat alcoolique, et Fine, sa gouvernante, respectivement Belmondo et Raimu et Renée Faure et Gabrielle Fontan. Comme un hommage involontaire, les autres acteurs et actrices sont très faibles et stéréotypé·es, le pompon revenant à Chrisiana Reali. Sortons quand même du lot la toute jeune Sandrine Kiberlain et Sébastien Tavel. Tout comme dans la version de Decoin, Lautner fait intervenir un narrateur. Hélas, le texte porté par Robert Hossein est parasite et gnangnan là où celui de Pierre Fresnay était cynique et dit d’une voix imparable.
A la réalisation, Georges Lautner, dont c’est le dernier film, est pareil à lui-même, enchaînant les prises de vue classiques, avec moins d’originalité que dans sa jeunesse et moins de gros plans marquants aussi. Cosignant l’adaptation avec Jean Lartéguy et Bernard Stora, il place de-ci delà ses petites piques passéistes comme il le fit dans l’ensemble de sa filmographie, tout en les modérant aussitôt d’un « mort aux vieux cons ». On ne réalise pas 14 films avec Michel Audiard sans en garder quelque chose. Etrange personnage que ce Lautner quand même.
Enfin, si je me suis permis la comparaison avec le film de Decoin, sans avoir lu le roman de Simenon, force est de reconnaître qu’elle s’arrête aux quelques détails cités plus haut. Ce film est différent dans son élaboration, son traitement, son propos et même les arcanes de son dénouement final. Cette dernière œuvre de Lautner est un vrai régal porté par un Belmondo inspiré.