« Il n’y a que trois sortes d’hommes : il y a les moutons, les léopards et puis les chacals. »
Melville réalisateur, scénariste et dialoguiste, s’empare d’un roman de Simenon et fait jouer pour la troisième fois (et dernière suite à une rixe survenue durant le tournage entre le réalisateur et l’acteur) Jean-Paul Belmondo, après Léon Morin, Prêtre (1961) et Le Doulos (1962). A ses côtés, Charles Vanel, Michèle Mercier pas encore Angélique mais déjà sex-symbol et Stefania Sandrelli dans l’une de ses premières apparitions françaises.
Dès le début, sans explication de texte, ce qui est rare chez Melville, on assiste à ce qui doit être l’un des premiers split screen de l’histoire du cinéma français, procédé popularisé à l’envi par Brian De Palma. On notera à ce propos les liens parfois ambivalents entre Melville et la Nouvelle Vague, mouvement qui inspirera la nouvelle génération de réalisateurs étasuniens, les Hollywood Brats (De Palma, Scorsese, Spielberg, Coppola). La scène, silencieuse, comme si souvent les scènes d’action melviniennes, se poursuit également en plans multiples, plongée, contre-plongée, biais, etc.
Durant trois quarts d’heure, on suit la cavale de Ferchaux/Vanel avec Maudet/Belmondo (son nouveau secrétaire, ancien para qui vient de faire un trait sur sa carrière de boxeur) à New-York d’abord, vers le Sud ensuite, dans des décors de studio convaincants mais des décors naturels qui font parfois toc. Malgré la maigreur des dialogues (une habitude chez Melville), le lien qui se noue entre les deux hommes est passionnant, comme une sorte de quête initiatique, la transmission de codes d’un vieux grigou à un jeune arriviste.
Et puis, patatras. On plonge subitement, sans y avoir été préparé, dans une autre relation. Prévisible, ce changement d’attitude mais aussi de ton scénaristique intervient de manière beaucoup trop brutale. C’est dommage parce qu’il était possible de rendre ce changement plus fluide, plus cyniquement humain, ce qui se ressent néanmoins un peu à travers les différents personnages croisés par Maudet, au fil de la descente vers le Sud, comme une descente en enfer.
Tout au long du récit, on sera estomaqué par la qualité des changements de plan de Melville, mais aussi interloqué par la fadeur facile de certains décors, dignes d’un dépliant touristique à bas coût. Les scènes de dialogues en anglais sont jouées de manière particulièrement artificielle. On se rappellera alors l’inventivité du réalisateur et les errances de certains de ses effets spéciaux dans d’autres films (je n’ai personnellement toujours pas avalé le coup de l’hélicoptère dans « Un flic »).
On a au final un film coupé en deux parties, la première en forme de parcours initiatique, enlevée et emballante, la seconde en forme de descente aux enfers, cercle après cercle, mais terriblement mal relatée par trop de froideur visuelle et narrative.