SPOILERS
J'ai envie de parler de Ma vie sans moi parce qu'il m'a donné des émotions fortes dans les deux sens. Rien à dire sur le drame poétique qui respire le Canada à plein nez : c'est un petit monde qui sort juste assez des sentiers hollywoodiens pour rafraîchir sans dépayser et Sarah Polley y navigue la tête haute.
Par contre d'autres aspects m'ont presque choqué·e, peut-être du fait que beaucoup d'efforts d'écriture étaient concentrés sur la justification du fait que le personnage de Polley ne veut pas révéler son cancer à ses proches. C'est un choix dur auquel elle se tient jusqu'au bout et l'essentiel est que le spectateur soit sur la même longueur d'onde qu'elle à ce sujet. Mais quid des messages qu'elle laisse à sa famille ? "Ne sois pas triste", "ne laisse pas les enfants être tristes que je sois partie"… Interdire à ses enfants de ressentir leurs émotions est un vrai red flag de parenting pour moi. On pourrait le comprendre car c'est une jeune mère, sauf que rien ne cherche à la justifier et que les scènes d'enregistrements sont censées être parmi les plus émouvantes – autant dire que ça n'a pas très bien marché pour moi.
La deuxième chose sur laquelle le film ne s'arrête pas, c'est qu'elle trompe son mari. Leur relation est présentée comme idyllico-réaliste, le genre de mariage de cinéma qu'on ne veut surtout pas voir brisé par une mort brutale. Je suspends volontiers mon incrédulité pour ce genre de romance, mais ça devient beaucoup, beaucoup plus difficile de m'y faire croire en normalisant le fait de trahir la confiance de son compagnon. Lequel, admirable bonhomme qui assume sans ciller son rôle de jeune parent, de jeune mari, et sa position socioprofessionnelle précaire, n'aurait pu qu'accéder aux désirs de bucket list de son épouse, même dans la catégorie romantico-sexuelle (ce qui démontre aussi, hélas, que le personnage manque pas mal de profondeur). Mais même si le choix de Polly/Anne de ne rien révéler de la maladie est respectable et qu'il n'y a aucune chance qu'une situation réelle soit menée avec autant de flegme et d'abnégation que dans ce film, elle trompe son mari et ça ne soulève aucun sourcil.
Si on ferme les yeux, Ma vie sans moi est un drame très beau, presqu'exceptionnel en fait. Je me concentre sur des tares qui m'ont parues grandes mais qui pourraient sembler anecdotiques à d'autres. Cependant je maintiendrais qu'il a un cran de retard en matière relationnelle.