L’art de Bergman (adepte de l’abstraction lyrique) a une place bien à part dans le cinéma mondial. En effet, celui ci adopte une manière de tourner absolument fascinante (voir « making of » de Sarabande »), tout en fausse légéreté, en intelligence et avec beaucoup de talent et de goût. « Persona » est un film totalement original si il est placé dans un contexte classique, cependant quand on le compare aux autres films de Bergman, « Persona » est loin d’être le plus étonnant du point de vue de la mise en scène. Ce qui constitue un des faits remarquables de ce scénario reste tout d’abord l’ampleur des thèmes proposés. En effet, « Persona » évoque tout d’abord dans sa première séquence un nombre invraisemblable de thèmes variés : en passant de la mécanique et de la technique qui permettent au cinéma d’exister, la séquence de l’hopital parle également de la mort (les corps d’hommes et de femmes âgés étendus sur les lits), mais également celui de l’enfant et des relations entre l’enfant et sa mère (Plan célèbre ou l’enfant caresse l’image de sa mère). C’est donc immédiatement des sujets forts qui sont mélés, la vie, la mort, grandir, à travers le son de la mécanique.
On pourrait éventuellement y voir une définition du cinéma : ensemble de techniques permettant (bien sur artificiellement) la naissance, le développement et la mort.
Si l’on peut facilement comprendre la difficulté du sujet choisi pour ce film (histoire banale mais mettant en jeu des thèmes cruciaux), il est finalement plus compliqué de comprendre ce que Bergman a finalement voulu nous dire avec ce film. Si Bergman, tout comme Bunuel, ne souhaitait pas donner une explication scientifique à son film, certains éléments du scénario poussent tout de même le spectateur à la recherche de la signification de ce qu’il voit. En effet, que peut vouloir signifier la répétition de certaines scènes, le passage brutal au flou, ou encore l’apparition d’un écran blanc ? La force de Bunuel était de pouvoir transporter son spectateur sans que celui ci ne se pose de question, Bergman ici n’y parvient pas. Peut être, comme dans « 2001: l’odyssée de l’espace » de Kubrick, Bergman cherche à ce que son spectateur refléchisse à sa propre théorie et sa propre vérité sur le film… En tout cas, le message reste, tout de même, très ambigu.
Comme souvent chez Bergman, le jeu d’acteur est très qualitatif. En effet, celui ci adopte une manière de diriger ses acteurs tout à fait remarquable (ambiance très décontractée hors des tournages et proximité forte avec les acteurs). Le duo Bibi Andersson et Liv Ullman est très convaincant et fonctionne à merveille dans des situations difficiles, des gros plans et même des monologues. Le jeu associé des deux femmes est très important dans la mesure ou il va permettre le développement d’une ambiance qui va se faire de plus en plus pesante…
La force de Bergman (certainement la plus développée dans « Cris et chuchottements ») peut consister en la manière dont celui ci définit son cinéma. Quelque chose qui se pratiquer avec beaucoup de coeur et d’ambition (d’où sa phrase célèbre « Il faut réaliser chaque film comme si il s’agissait du dernier). Cette implication du metteur en scène permet au film d’adopter une ambiance particulière très propre à la psychologie de Bergman. Cette ambiance, c’est elle qui fait tout dans le film : elle dirige les acteurs (en leur indiquant comme jouer), elle établit la structure du film (fondu au noir ou au blanc dans « Persona ») ou encore influence le début ou la fin du scénario.
« Persona » est un Bergman marquant; non pas pour le scénario, brillant certes mais peut être trop subjectif ou prétentieux; mais bien pour sa mise en scène. C’est sa mise en scène qui va permettre à Bergman de traiter ces sujets difficiles et c’est également sa mise en scène qui va donner cette ambiance particulière au film le rendant marquant.