Persona développe un sujet très intéressant. S'inspirant très largement du travail de Carl Jung, Ingmar Bergman nous présente un huit clos entre deux femmes qui chacune, par leur personnalité marquée, vont incarner ce concept. L'une recherche sa propre image extérieur, quitte à projeter sur l'autre ses propres sentiments, et qui n'hésite pas à se dévoiler pour obtenir le regard d'autrui; tandis que l'autre femme, bloquée dans son mutisme, cherche au contraire à se débarrasser de sa personnalité extérieure, mais dont les intentions profondes sont finalement beaucoup plus obscures, ce qui montre en réalité une volonté d'afficher une image public bien différente que ce que la personnalité intérieure pourrait afficher.
Les deux actrices jouent assez bien, même si Liv Ullmann n'a pas grand chose à faire. C'est surtout Bibi Andersson qui est convaincante. On peut remarquer le travail d'écriture fournit pour les monologues récités par Andersson. Pour ce qui est du travail de la mise en scène et du montage, je suis plus réservé. Le huit clos est très bien construit, notamment dans la première partie à l'hopital ou les murs immaculés donnent l'impression d'un lieu vide et froid, où seuls les personnages qui l'animent donnent vie au lieu. Le huit clos se retrouve à la mer dans la proximité des jeunes femmes, très bien filmée par Bergman. Le suèdois use et abuse des gros plans sur les parties des corps qui représentent le mieux l'émotion à saisir : sur le visage bien évidemment, ou plus encore sur les yeux; mais aussi sur les bras, les mains ou les jambes, la tête ou le buste, tout est savamment choisie pour se concentrer sur l'expression des personnages, d'autant plus nécessaire que Bibi Andersson se cherche encore et Liv Ullmann est totalement muette.
Mais parfois, j'ai eu la désagréable impression de "trop" voir ces plans. Je ne sais si c'est parce qu'il expérimente, ou parce que c'est fortement nécessaire dans son expression; ou encore s'il n'y a pas une petite dose de "m'as-tu vu que je maitrise la caméra", ce que je ne retiens pas comme option parce que je ne veux pas croire que Bergman se met au niveau de la bassesse de certains réalisateurs actuels comme Joe Wright; toujours est il que la mise en scène n'est pas vraiment naturelle, non que l'histoire soit surnaturelle ni que les actrices jouent de façon théatrale, mais nous n'arrivons pas à oublier la présence de la caméra, les mises au point se voient trop, si bien que, plus que l'appréciation du plan en lui-même, on se prend à imaginer comment Bergman a placé sa caméra dans le lieu où il se trouve, ce qui est a mon sens très mauvais (nous ne sommes plus concerné par les plans eux mêmes). Il y a quelque chose de l'ordre de la démonstration technique qui ne m'a pas plu, qui m'a rappelé parfois les erreurs de la nouvelle vague française, et cette volonté de détacher le montage et la mise en scène du récit. Au dela de ça, le film est parfois un peu long, et si la progression est marquée, visible, 1h20 sont déjà suffisant, car le huit clos et (presque) l'unique monologue qui nous accompagne tout le long devient éprouvant à cause du format de film. Probablement qu'en roman, le ressenti serait plus naturel. Mais en conclusion, je ne douterai pas de l'intérêt de ce Persona tout du moins sur l'intelligence de l'histoire et de la construction d'une relation complexe entre deux personnages.
Deuxième expérience avec Bergman moins concluante que ma première (Les Fraises Sauvages), reste que je commence déjà à cerner un peu la construction de ses oeuvres, notamment des profils psychologiques de ses personnages, qui est originale. J'y retournerai probablement.
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