Avis sur Madame Brouette

Film à message, "Madame Brouette" donne justement l’impression d’être un peu forcé. On sent en effet la volonté de dépeindre la condition de la femme en Afrique (la scène de répudiation en est le meilleur exemple). Dans un pays en proie à la corruption, la courageuse Mati (Rokhaya Niang) est appréciée pour son altruisme et ses valeurs (elle travaille dur, prend soin de sa fille et revendique l’autonomie féminine dans une Société patriarcale). Malgré son discours, elle se laisse séduire par Naago (Aboubacar Sadikh Ba), un policier attentionné. Avoir pris des comédiens amateurs n’enlève rien à la portée de l’histoire mais la diction de certains ne sonne absolument pas juste : les textes sont parfois simplement consciencieusement récités (c’est pour la jeune Kadiatou Sy qui joue Ndaxté que c’est le plus frappant). De plus nos oreilles n’étant pas habituées, on ne comprend qu’environ quatre-vingt-dix pour cent des dialogues en français. En dépit de cela on se laisse bercer par l’œuvre joliment chamarrée de Moussa Sene Absa. Le tout est agrémenté de quelques belles chansons en wolof (Majoly, Mamadou Diabaté et Serge Fiori obtinrent d’ailleurs l’Ours d’argent de la meilleure musique à Berlin). Le métrage s’ouvre sur la gargote dakaroise de Mati et des coups de feu. Un homme en robe rouge s’effondre, il s’agit de Naago. L’énigme policière qui fait office de trame m’a rappelé quelque chose que j’avais déjà vu, et en effet c’était ça donc pour moi pas de mystère mais peu importe. Le rapprochement paraîtra bizarre mais la construction du film m’a dans un premier temps beaucoup rappelé "Evita" d’Alan Parker : un démarrage par la fin puis un récit en flash-back avec des scènes où sont intégrés des chanteurs qui narrent plus ou moins l’action. Je ne regrette pas d’avoir suivi l’extraordinaire destin de madame Brouette et vous invite à en faire de même. De plus il est indéniablement intéressant de voir le visage engagé du Cinéma sénégalais d’aujourd’hui.

Les films sénégalais étant, hélas, tellement rares en Europe, on serait tenté de le récompenser d'office de plusieurs étoiles. Mais cela n'est pas nécessaire. Même si l'interprétation et la mise en scène laissent sérieusement à désirer, on s'immerge avec délice dans la société sénégalaise puisque le film fait la part belle à la musique et aux danses locales. S'y ajoutent de sublimes images prises en extérieur et la beauté naturelle des acteurs et actrices. On peut également saluer l'audace d'aborder le thème de l'émancipation des femmes dans un pays par trop patriarcal et de participer à l'évolution positive des mentalités pour plus d'équité. Plus qu'une simple découverte, cette coproduction se révèle une réussite en dépit de quelques défauts.