Je suis loin d'être un connaisseur assidu du cinéma de Michael Haneke. Ma seule expérience avec l'oeuvre du cinéaste autrichien se résumait jusqu’à maintenant à *Funny Games* (1997), dont la facette angoissante et innovante avait étonnement du mal à me faire réagir. C'est donc pendant une belle-après-midi nuageuse que je découvre *Caché*, prix de la mise en scène à Cannes 2005 !
Dans des airs d'introduction à la *Lost Highway* de David Lynch, *Caché* raconte l'histoire de Georges Laurent (Daniel Auteuil), un célèbre animateur de télévision français spécialisé dans la littérature. Il mène une vie aisée et paisible avec sa petite famille jusqu'au jour où une mystérieuse cassette arrive devant chez lui. Les bobines de celles-ci montrent la famille Laurent filmé à leurs insu devant leurs maison parisienne. L'harcèlement continue inévitablement et pousse Georges, en dépit de l'aide de la police, à découvrir qui lui envoie ces mystérieuses vidéos.
Le scénario intriguant et profondément stressant à sa surface, continue encore de faire durer le mythe cinématographique de Haneke basé sur le choc et le malaise. Au cœur de sa grande et moderne maison de banlieue parisienne, Georges Laurent mène paisiblement sa vie journalistique dont le succès et la gloire lui ont souris. La culture édifiante de sa famille est montrée comme une imposante vague maladive, à l'image de cette immense bibliothèque qui prend tout le salon. Une classe sociale élevée donc, où Michael Haneke y dépeint un portrait presque neutre et fade.
Ne tournent t'ils pas en rond dans cette vie aseptisée ? Une interrogation édifiante représentée par ces nombreuses scènes de Pierrot Laurent, le jeune fils unique, répétant les mêmes gestes sans arrêt à la piscine et finissant par gagner une compétition singularisée par des aller-retours dans une grande piscine monotone.
Évidement, en tant que point d'orgue rapidement posé, Michael Haneke met à mal cette famille représentative des hautes sphères de la capitale. A travers ces étranges cassettes, c'est la vie privée et le ressenti d'être intouchable qui sont remisent en compte. Et durant l'avancé du récit, c'est le passé de Gorges Laurent lui-même qui est convoqué pour un retour sombre sur des heures tristes.
Dans une réflexion Bourdieusienne, la culture, l'école et l'instruction sont l'images de la réussite et de l'élévation. A travers cette réflexion, Michael Haneke pose le destin du personnage de Georges, immobilisé par l’égoïsme de son enfance.
Haneke choque et nous sort véritablement de notre zone de confort, à l'image de ce chevauchement incongru de deux scènes, dont la profondeur se joint fortement à l'idée de *Caché* : le passage de la délicatesse d'un dîner mondain rythmé à base de conversation littéraire et de petits fours, à une scène de décapitation de poulet au cœur d'une vieille ferme.
Les plans fixes et rallongés permettent d'édifier la pensée absurde et malsaine de Haneke, et de mettre en lumière un Daniel Auteuil meilleur que jamais.
Mais encore une fois, Haneke peine à me convaincre au niveau de sa réputation. On sent que *Caché* est une oeuvre intelligente et maîtrisée, mais qui n'atteint pas non-plus cette ligne marquante où séjourne dans le même style un *Festen* de Thomas Vinterberg par exemple. **Pour conclure de manière bien simpliste mais vraie : *Caché* plaît, mais sans plus.**