Avis sur La Chute de Berlin

Techniquement remarquable, le cinéma capitaliste en prend pour son grade. Film de propagande ne se cachant pas contre la propagande adverse, la Chute de Berlin offre une histoire - Histoire ? - avec de multiples niveaux de lecture. Et je me suis réjouis de ce puzzle, d'autant plus que Hitler et ses sbires comptables et religieux est posté dans une caricature assez mémorable.

Amateur masochiste de cinéma de propagande des pays ayant un système dictatorial, je ne pouvais pas passer à côté de ce "fleuron" absolu, commandé pour sa propre gloire par le pire salaud de tous les temps, surtout après la lecture de l'excellent et hilarant article du site Nanarland ; c'est plus fort que moi je n'ai pas pu résister. Autant on ne peut qu'être malgré soi qu'admiratif devant la prodigieuse technique d'un Leni Riefenstahl par exemple, autant "La Chute de Berlin" permet pleinement de savourer du n'importe quoi historique total en rien rattraper par une mise en scène bien pourrie. Alors avant de regarder ce film, vous êtes prié, non pardon vous être obligé sinon c'est 25 ans de goulag, d'oublier le Pacte Germano-Soviètique ; d'oublier que si l'URSS a gagné la Guerre c'est grâce à la volonté du Peuple et à l'intelligence tactique des officiers qui ont échappé miraculeusement aux Purges des années précédentes ; d'oublier que le merveilleux Staline n'a pas tenu compte des mises en garde de ses services secrets d'une probable attaque allemande ; qu'en URSS quand l'affreux Hitler du pays voisin (quoi, quelle Pologne ???) n'attaque pas et ben les gens sont tellement trop heureux que s'ils ne se battent pas des records industriels eh ben ils n'arrêtent pas de chanter et de cueillir des fleurs tellement qu'ils sont vraiment trop trop contents de leur glorieux avenir communo-socialiste ; de croire, non de penser, que c'est le grand, le formidable Staline qui a gagné la Guerre à lui tout seul en donnant des ordres hyper-intelligents à ses généraux avec l'aide très négligeable de son peuple ; que par le temps qu'ils ont mis à former un second front les américains et les anglais, et en particulier cette vieille baderne de Churchill, sont les collaborateurs plus ou moins involontaires des nazis et que c'est bien bien uniquement que grâce à l'URSS, euh pardon au grand et magnifique Staline, que la Guerre a été remportée ; et que notre grand gourou est bien allé à Berlin (les rumeurs disant qu'il avait peur de l'avion et de la foule étant bien sûr totalement fausses, calomnies de gros sales capitalistes !!!) pour délivrer un message de paix devant des déportés bien en chair et aux costumes impeccables de proprété (final du film qui est aussi son apothéose dans le ridicule, la cerise sur le gâteau, le meilleur pour la fin quoi !!!). Historiquement on atteint un point de non-retour total dans la fausseté, inutile de le préciser ; mais si encore la mise en scène était bonne on serait juste devant le film de propagande le plus mensonger de toute l'Histoire du cinéma mais comme elle est toute pourrie... Malgré des moyens considérables et le grand Chostakovitch à la BO qui n'a pas été du tout contraint évidemment de participer à cette glorieuse édification, là aussi on atteint un point de non-retour avec sa photographie aux couleurs criardes qui fait de l'ensemble un monument de kitsch, ses séquences de combats qui donnent l'impression que la Guerre consiste juste à se promener tranquillement avec une mitraillette dans les mains (les acteurs étant aussi à l'aise à porter cela que moi à utiliser une débroussailleuse !!!) et des acteurs exagérement théâtraux qui débitent comme ils le peuvent des dialogues débiles. De ces derniers, il faut retenir Mikheïl Gelovani dans le rôle du grand leader qui croule tellement sous le fond de teint qu'il peine le pauvre à bouger la tête et ouvrir les lèvres, et surtout alors là, le plus grand acteur comique involontaire de toute l'Histoire du l'humanité, V.Savelyev dans le rôle d'Hitler qui ferait passer le cabotinage de Jerry Lewis et des quatre Marx Brothers réunis complètement défoncés à l'héroïne pour un modèle de sobriété ; les moments où il apparaît font partie des plus gros moments de poilade jamais vu, immanquables. Sans conteste le pire film de propagande jamais réalisé (seulement "de propagande" ???), "La Chute de Berlin" est aussi une oeuvre très prompte à déclencher des fous rires sans le vouloir.